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Au prêt à dépecer
Décidément, les Québécois de Coups de tête ont un des catalogues les plus intéressants actuellement, ne serait-ce que par leur volonté de bousculer un peu la structure figée des genres, qui n'en finit pas de se désagréger. En témoigne ce premier roman, qui sous une très jolie présentation, brouille — une fois de plus — les frontières poreuses entre "noire" et "blanche". Le thème est simple comme une épure : lorsque Simon Beecher se crashe en voiture, son père est prêt à tout pour le faire revenir à la vie. Or Papa Beecher est riche. Très riche même. Et pour qui peut payer, il existe un trafic fort lucratif permettant d'obtenir en urgence les organes que l'on désire... Il serait faux d'en déduire qu'il s'agit d'un roman sur le trafic d'organes : celui-ci n'est qu'un révélateur, tant le roman dépèce toute la nébuleuse d'individus qui tournent autour d'un fait divers atrocement banal. Un carrousel cynique où se dégage un portrait de la lâcheté et des compromissions ordinaires où, pourtant, se dégage une certaine humanité, comme ce médecin pratiquant l'euthanasie par compassion. Mais c'est surtout l'écriture qui est au cœur du roman : charnelle et froide en même temps, très travaillée, presque expérimentale de par la structure éclatée du récit, elle devrait séduire les amateurs de beau style. Il reste que parfois, Mathieu Picard oublie un petit peu son thème principal pour multiplier les points de vue, au risque de noyer le poisson. Simple scorie pour un premier roman fort prometteur qui a au moins le mérite de sortir du ronron habituel. Bien sûr, il ne vendra pas le centième du dernier thriller industriel formaté série TV trônant en tête de gondole et promis au "Coup de cœur de certains libraires, mais les esprits curieux peuvent tenter l'aventure…
Citation
Maman est paniquée, terrorisée, elle pleure abondamment, c'en est presque indécent pour une fille du peuple slave. Un ravin s'est creusé contre son nez et le flux permanent s'est dégagé un estuaire dans la bouche. Ses yeux violacés, pochés, turbinent comme une usine à deuil.