Un métier dangereux

De fait, bien qu'elles se réunissent deux fois par semaine afin, par la magie des mots, de se relier collectivement au Ciel, et qu'elles continuassent, opiniâtres, leur œuvre prosélyte auprès des autres prostituées, la vie professionnelle des Filles de la Joie s'éloignait peu à peu de cette atmosphère passionnée, de cet état de ferveur religieuse dans lequel les avaient plongés les miracles passés.
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Contenu

Roman - Western

Un métier dangereux

Social - Assassinat - Procédure MAJ mardi 14 mai 2024

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 22 €

Jane Smiley
A Dangerous Business - 2022
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Carine Chichereau
Paris : Rivages, avril 2024
278 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-7436-6238-7
Coll. "Littérature étrangère"

Prostituées sauvagement

Chroniqueuse de l'Amérique depuis le début des années 1980, la romancière Jane Smiley s'est tout naturellement intéressée à l'épopée western du point de vue des femmes. Reprenant le même point de départ que dans Les Aventures véridiques de Lidie Newton (une femme suit son mari qui est très vite assassiné ; mais à l'inverse de son premier roman, le mari qui fraie dans celui-ci est de la pire espèce, et cette femme n'a aucune estime pour lui), elle nous propose avec Un métier dangereux sa propre vision d'un archétype du western, magnifié par Claudia Cardinale dans Il était une fois dans l'Ouest, de Sergio Leone, la prostituée. Partie de Kalamazoo en 1851 après s'être mariée à un sacré bonimenteur, la très jeune Eliza Ripple se retrouve donc à Monterey, en Californie, dans une ville sans shérif ni loi, mais avec son nombre de maisons closes qui accueillent à la fois les notables (ou leurs fils amenés par leurs pères pour leur toute première fois) et les marins au long cours (qui bien souvent paient pour dormir sagement sur terre entre des bras accueillants). Eliza devient l'une des pensionnaires de Mme Parks, qui la prend sous son aile. Après avoir vécue sous la coupe tyrannique de son époux, qui entendait qu'elle fasse son devoir conjugal pour assurer ses besoins à lui deux fois par jour, elle découvre une vie indépendante qui finalement lui plait. Si elle ne peut copiner avec les autres pensionnaires de Mme Parks (les règles sont strictes), elle croise par hasard Jean, une de ses consœurs, d'une autre maison mais pour femmes, et qui aime se grimer en homme. C'est Jean qui lui fait découvrir l'œuvre de Poe, Jean qui voit des fantômes, qui est de toute évidence empreinte de gothique. Les deux femmes s'enthousiasment cependant pour DupinE (comme elles le prononcent à l'américaine), le personnage d'enquêteur de Double assassinat dans la rue Morgue, et lorsque des prostituées son assassinées dans l'indifférence générale, les deux consœurs mettent à profit les méthodes du détective pour tenter de résoudre l'affaire non sans se mettre en danger.

Jane Smiley propose un curieux et ingénieux roman western à la fois fresque sociale, littéraire, gothique et policière. On apprécie le personnage de Jean, qui se costume en homme ; le souci du détail d'une romancière confirmée pour une ville, ses prostituées, leurs clients. La maison close de Mme Parks, nœud gordien de la ville et de l'intrigue, avec sa quiétude (toute relative) révèle la position de la femme dans cette société basée sur de faux semblants. Le personnage fouillé d'Eliza Ripple, qui se retrouve plus indépendante sous la coupe d'une femme, que d'un homme, qui s'entend à merveille avec une autre femme, est un personnage farouchement fier, et qui apprend à être indépendant sans trahir au romanesque et au réalisme. Ce n'est pas un hasard si à la fin du roman Mme Parks lui propose une autre liberté pour prolonger sa trajectoire à elle. Jane Smiley pour raconter son histoire fait preuve d'un sens de la narration, d'un souci des petits détails historiques. Elle sait raconter la grande histoire dans la petite, et surtout élever cette dernière au niveau de son aînée. Avec elle, on découvre l'Ouest sauvage sous un autre angle. Un complément nécessaire et bienvenu.

Citation

Être femme est un métier dangereux.

Rédacteur: Julien Védrenne mardi 14 mai 2024
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