k-libre - en marge - Terreur aveugle

Vous étiez dans une situation de grande vulnérabilité au Sarek, à peu de chose près entièrement abandonnée à son bon vouloir. On peut comparer cela à une situation de prise d'otages : vous dépendiez d'une personne pour survivre. Et dès lors, il est tout à fait normal, d'un point de vue psychologique, de se plier à la façon dont cette personne voit et décrit les choses. Ce n'est pas forcément conscient.
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vendredi 19 avril

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DVD - Thriller

Terreur aveugle

Psychologique - Tueur en série MAJ mardi 17 janvier 2017

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Réédition

Public averti

Prix: 19,99 €

Richard Fleischer
Blind Terror / See No Evil - 1971
Fabrice du Welz (entretien)
Nicolas Saada (présentation)
Paris : Carlotta, novembre 2016
19 x 14 cm

Ce qui effraie est ce que l'on ne voit pas

Mia Farrow interprète dans Terreur aveugle (1971) Sarah, une jeune femme devenue aveugle après un accident de cheval, de retour dans une grande maison bourgeoise dotée d'un parc imposant. Le cadre est idyllique, son oncle, sa tante et sa cousine charmants. L'homme qui entretient le parc ne semble pas méchant, peut-être un peu voyeur, et il posera une question sur l'accident de cheval qui amènera un premier doute. Et puis, elle a un amoureux transi tout droit sorti des seventies avec cheveux bruns mi-longs, pullover moulant, pantalon pattes d'éléphant et dégaine décontractée. Seulement, dès le début du film, la caméra de Richard Fleischer s'ingénie à suivre en parallèle les déambulations d'une paire de santiags estampillées chacune d'une étoile. La violence apparait alors sourdement, puis est de plus en plus tangible à mesure que l'on suit ces pas qui mènent de la sortie d'un cinéma qui passe des films d'épouvante à un passage piéton où l'individu se met dans une position provocatrice non sans au préalable s'être arrêté devant des fascicules d'aventure et un magasin de postes de télévision sur lequel passe Le Jardin des tortures, de Freddie Francis. À chaque fois, ce sont les images violentes qui ont attiré, on imagine, son regard. Surtout, on assiste à une scène particulièrement maniaque concernant ses santiags. L'individu semble fétichiste, et avec notre recul, on pense bien évidemment à un tueur en série qui erre esseulé en ville.

Est-ce la société qui l'a rendu ou le rendra violent ? C'est là une question intéressante à laquelle ne répondra pas ce film de Richard Fleischer. Toujours est-il que peu après, l'individu se rendra en l'absence de Mia Farrow dans ce manoir et effectuera un véritable carnage. L'actrice de Rosemary's Baby (qu'elle a tournée trois ans auparavant) est une incarnation idéale de cette terreur aveugle qui joue sur l'ambiguïté du titre. Dans ce slasher avant l'heure (le terme n'apparaitra réellement que dans les années 1990), qui se situe à mi-chemin entre M le maudit de Fritz Lang (rappelez-vous les déambulations de Peter Lorre) et Halloween de John Carpenter, ce qui effraie est bel et bien ce que l'on ne voit pas. Tout du long de cette heure et demie, la caméra à l'épure de Richard Fleischer est d'une suggestivité affolante dans un décor intérieur hallucinant. Le spectateur voit à travers les yeux d'une personne aveugle ce qui accentue le malaise. Surtout les scènes se dévoilent de façon décalée car le spectateur découvre avant l'actrice les éléments du drame comme lorsque Alfred Hitchcock, qui avait tout compris, filmait une poignée de porte qui s'abaissait lentement à l'insu des protagonistes du drame.

En écho aux déambulations du tueur, tout est question de pas dans ce film. Mia Farrow, quand elle rentre dans cette maison qu'elle sait désertée de ses résidents (ils devaient partir dîner), erre, se fait un café, déambule, va chercher des disques, va se coucher et s'endormir avant de se réveiller soudainement au bruit d'une porte qui claque. Pendant ce temps, le téléspectateur l'a vue pieds nus éviter une gourmette en argent, des morceaux de verres qui sont disséminés sur le sol de la cuisine. Surtout, il se réveille avec elle pour découvrir sans qu'elle ne s'en rende compte qu'elle a dormi au côté du cadavre égorgé de sa cousine, qu'elle fait couler l'eau d'un bain alors que dans la baignoire repose le corps de son oncle, et qu'elle passe non loin d'un fauteuil dans lequel git écroulé le cadavre de sa tante. Et l'on se dit de prime abord qu'elle va découvrir l'horreur à chaque instant qui passe, et que ça va être l'accélération de sa chute puisque, toujours parallèlement, Richard Fleischer continue de filmer ces bottes qui pour l'heure sont tachées de sang et reposent en compagnie de leur occupant sur un lit d'une chambre. Quand Mia Farrow se rend compte de ce qui s'est passé, son visage se transforme, ses gestes prennent de la vitesse, elle se précipite, se cogne, halète, crie, devient hystérique, se perd. L'action s'intensifie, et l'on a une vaste course pour la vie qui s'opère d'abord en intérieur, puis en pleine nature avec de multiples rebondissements qui peuvent donner l'impression d'une lenteur exagérée sur fond de ficelles grossières. Il est juste dommage qu'au final les motivations du tueur ne soient pas éclaircies. Le retour à la normale laisse dubitatif. Mais Richard Fleischer a réussi là un tour de force : nous emmener dans une aventure terrifiante avec ingéniosité, en compagnie d'une actrice de premier plan qui se met à nu sans que l'on ait l'impression d'être voyeur.

Terreur aveugle (89 min.) : réalisé par Richard Fleischer sur un scénario deBrian Clemens. Avec : Mia Farrow, Dorothy Alison, Robin Bailey, Diane Grayson, Brian Rawlinson, Norman Eshley...
Bonus. Préface de Nicolas Saada. "Fulgurances physiques", entretien avec le cinéaste Fabrice du Welz. Galerie photos. Bande-annonce.
Interdit aux -12 ans.

Citation

À l'aide ! À l'aide ! À l'aide ! À l'aide ! À l'aide !

Rédacteur: Julien Védrenne mardi 17 janvier 2017
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