L'Étrange affaire de Pont-Sal

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Essai - Policier

L'Étrange affaire de Pont-Sal

Historique - Faits divers MAJ vendredi 30 décembre 2011

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Réédition

Tout public

Prix: 17,9 €

Jean Guillot
Gourin : Montagnes noires, décembre 2011
220 p. ; 21 x 15 cm
ISBN 978-2-919305-21-6

Ouestern diligence

Jean Guillot est commissaire divisionnaire de la police nationale mais aussi spécialiste de la justice au début du XIXe siècle. Il a d'ailleurs publié Les Derniers chouans du Morbihan (Keltia Graphic). Ici, il revient sur cette période de grands changements politiques à travers LA grande affaire de l'époque qui resta longtemps dans la mémoire locale.
Le 3 novembre 1847, la diligence des Messageries de l'Ouest reliant Nantes à Brest est attaquée par un groupe d'hommes au lieu-dit Pont-Sal, près d'Auray, dans le Morbihan. Outre sa brochette de passagers typiques, cette diligence sert aussi de transport de fonds puisqu'elle recèle, dans divers sacs, soixante-dix mille francs en pièces de cinq francs frappées à l'effigie de Louis-Philippe. Seulement deux gendarmes à cheval marchent au devant du véhicule. En pleine nuit, dans une descente tortueuse menant à un pont enjambant la petite rivière Sal, la troupe abat deux percherons sur les trois de l'attelage et un gendarme sur les deux qui reviennent au galop, sabre au clair. Trois paysans à cheval sont contraints de se mêler aux passagers que l'on fait descendre. À leur grand soulagement, les bandits ne leur voleront pas leurs biens, ni les mille francs destinés à un commerçant breton. Ils emporteront quarante mille francs de "l'argent de l'État" (soit deux cents kilogrammes de pièces), les trente mille francs restant, dissimulés sous une bâche sur le toit, échappant à leur fouille. L'enquête, menée par les gendarmes et deux magistrats, va s'avérer difficile car la population est naturellement taiseuse et anti-gouvernementale.
Jean Guillot s'avère un historien hors pair pour retracer cette affaire dans les moindres détails. Il profite de l'évolution de la procédure judiciaire car "les magistrats et les gendarmes ont pris l'habitude d'écrire de plus en plus". En fouillant les archives, il a obtenu de nombreuses pièces et ne manque pas de signaler avec humour celles qui manquent. Auraient-elles été subtilisées par des "chercheurs" depuis l'ouverture des archives pour que certains noms n'y apparaissent plus ? En tout cas "l'affaire de Pont-Sal est à ce titre exemplaire, car tous les éléments de l'enquête, même les plus insignifiants, vont être couchés par procès-verbal". L'auteur n'oublie rien : le rayonnement des messageries et celui du commerce qui se développe, la situation explosive du règne de Louis-Philippe et l'organisation de la justice en Bretagne. Depuis 1795, les forces vives sont en occupation dans le Morbihan, département très légitimiste qui soutient le courant royaliste en l'occurrence Henri V dont la mère, la Duchesse de Berry, court les campagnes et arrose les derniers chouans de sa fortune pour soutenir un mouvement de révolte qui porterait son fils au pouvoir. Le service militaire est fixé à sept ans, et nombreux sont les jeunes qui prennent le maquis pour ne pas être enrôlés dans cet État qu'ils ne reconnaissent pas. Ces réfractaires sont aidés par la population qui a gardé des caches dans les maisons. Et quand on prend conscience, qu'en plus, tous ces gens ne parlent que le breton et que la justice a besoin de traducteurs pour le moindre procès-verbal, on mesure le fossé qui se présente devant les enquêteurs de l'affaire de Pont-Sal.
Les témoins mentionnent entre dix et vingt hommes car tout était confus dans la nuit. Cette troupe est partie à pied dans la campagne et est passée devant des maisons voisines. L'auteur se concentre sur l'auberge, sur une ferme proche tenue par un homme et ses trois sœurs, sur le château. Il rend compte des relations entre habitants, des fouilles, des interrogatoires, et surtout de la rumeur publique qui va peu à peu délier les langues. Jean Guillot parvient enfin à nous présenter des méthodes d'enquête qui nous paraissent très modernes et des examens d'indices assez stupéfiants comme le parcours d'une hachette, par exemple, ou l'examen du bas coupé trouvé enterré dans la propriété des Baudet et contenant près de mille francs. Mais c'est l'acharnement du juge à établir les faits et gestes de chacun lors de la nuit fatale qui est notable car il ne s'agit pas seulement des huit hommes mentionnés (tous ne seront pas retrouvés), mais de leurs complices, de leur entourage et de leurs voisins soit de tous les habitants du coin.
L'arrestation de l'un des brigands par quatre gendarmes qui vont se faire tirer dessus et rouer de coups par la famille et les voisins est en cela symptomatique. Peut-être l'auteur aurait-il pu être moins exhaustif car le texte est dense et les dialogues, quand ils ne sont pas tirés des procès-verbaux, compacts car conçus pour faire passer de la documentation. Mais le style plein d'allant dynamise le récit et nous fait plonger au cœur d'une société si proche et si lointaine à la fois.

Citation

Alors que les gendarmes arrivent sur la diligence, abandonnée au milieu de la route, un feu nourri les accueille. Le gendarme Sauge a le temps de prononcer ces mots : 'Mon camarade, je suis mort !'

Rédacteur: Michel Amelin vendredi 30 décembre 2011
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