Le Touriste

Il n'y avait pas grand monde aux obsèques de Loeiz Gouritin de Kroah-Dibenn. Les gens ont peur d'attraper les puces d'un vieux crevé dans sa saleté.
Hervé Jaouen - Ceux de Menglazeg
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vendredi 29 mars

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Roman - Espionnage

Le Touriste

Géopolitique - Tueur à gages MAJ samedi 31 décembre 2011

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 22 €

Voir plus d'infos sur le site polarmag.fr (nouvelle fenêtre)

Olen Steinhauer
The Tourist - 2009
Traduit de l'anglais (États-Unis) par William-Olivier Desmond
Paris : Liana Levi, avril 2009
522 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-86746-506-2

Actualités

  • 20/08 Édition: Parutions de la semaine - 20 août
    La rentrée littéraire c'est en ce moment. Mais elle redémarre plutôt tranquillement. Pensez donc que les curiosités du moment sont les rééditions d'auteurs français considérés comme des classiques du XXe siècle chez Plon dans la toute nouvelle collection "Noir rétro", à savoir Brice Pelman et Auguste Le Breton. La maison d'édition Bellicum propose un roman polonais intrigant. Nous essaierons de vous en donner des nouvelles, et ce même si le prénom de l'auteur - Szczepan - semble imprononçable ! Enfin, beaucoup de parutions en poche. Des inédits à la pelle du Nord chez Ravet-Anceau, de l'historique chez 10-18, des rééditions chez Pocket (Laurent Scalèse, Olen Steinhauer). Mais comme d'habitude, il est possible de découvrir des perles :

    Grand format
    Rennes connection, de Joseph Alessi (Coëtquen, "Policier")
    Requiem en OGM mineur : qui fauche qui ?, d'Alain Feld (Nuits blanches, "Policier")
    L'Obscure patience de la cellule : une enquête du commissaire Pierucci, de Marie-Hélène Ferrari (Clémentine)
    Mortel diptyque, de Paule de Haro (Édilivre, "Coup de cœur")
    La Battue, d'Armand Henrion (Memory press)
    Du sang sur la toile, de Didier Laurens (J.-M. Laffont)
    Du rififi chez les femmes, d'Auguste Le Breton (Plon, "Noir rétro")
    Du plomb pour les cormorans ; suivi de La Bachaule aux trésors, de Michel Loquy (Memory press)
    Veilleur, de Alain Marpinard (Déméter)
    Meurtre au-dessus d'un nid de cocos : la mort porte conseil, de Jean-Pierre Momcilovic (Nuits blanches, "Policier")
    Protocoles, de Alain Mothes (Thot, "Polar")
    Quiproquo national, de Mputu Nzeza Kiluangu (Acoria)
    La Vendetta de Sherlock Holmes, de Ugo Pandolfi (Albiana)
    Attention les fauves, de Brice Pelman (Plon, "Noir rétro")
    Concours de meurtres. 1. Intrigues criminelles, de Aurélien Poilleaux (Édilivre, "Coup de cœur")
    Lieutenant Eve Dallas, 7-8, Les Bijoux du crime ; Conspiration du crime, de Nora Roberts (J'ai lu, "Grand format")
    Les 7 sages, de Stéphane Rodriguez (Léo Scheer, "Thriller")
    Dernière station, de Jean-Christophe Tixier (Nouveaux auteurs, "Policier")
    Transfiguration, de Szczepan Twardoch (Bellicum, "Terra Mare")

    Poche
    On a volé le train jaune, de Marc Blaise (Mare nostrum, "Polar catalan")
    Entre enfer et paradis : Saint-Cast-le-Guildo, de Chris Bourgault (Astoure, "Breizh noir")
    Rencontre fatale à Saint-Malo, de Hervé Bourhis (Astoure, "Breizh noir")
    Le Réseau Flandres, de Philippe Declerck (Ravet-Anceau, "Polars en Nord")
    Les Trois morts d'Isis, de Paul Charles Doherty (10-18, "Grands détectives")
    L'Héritage du sénateur de l'Oise, de Francis Essique (Ravet-Anceau, "Polar en Nord")
    Beyrouth-sur-Loire, de Pierric Guittaut (Papier libre, "Polar en poche")
    Je te vois, de Gregg Hurwitz (Pocket, "Thriller")
    L'Assassin des cathédrales, de Yves Josso (10-18, "Grands détectives")
    La Petite fille en haut de l'escalier, de Judith Kelman (Pocket, "Thriller")
    Le Traité meurtrier : Bretagne-France : l'union qui tue, de Hervé Le Bévillon (Yoran Embanner, "Roman policier")
    L'Affaire Seymour, de Tim Lott (10-18, "Domaine étranger")
    An doubl, de Jakez-Erwan Mouton (Emgleo Breiz, "Roll-diroll")
    Méfiez-vous de vos voisins, de Gilles Rey (Papier libre)
    Tu vas trinquer, San-Antonio, de San-Antonio (Fleuve noir, "San-Antonio")
    Y'a bon San-Antonio, de San-Antonio (Fleuve noir, "San-Antono")
    Le Samouraï qui pleure, de Laurent Scales (Pocket, "Thriller")
    La Danse macabre, de Kate Sedley (10-18, "Grands détectives")
    Maigret, Lorgnon et les gangsters, de Georges Simenon (LGF, "Policier")
    Le Touriste, de Olen Steinhauer (Pocket, "Thriller")
    Mortel secret : à la recherche de la vérité, de Carlene Thompson (Folio, "Policier")
    Coquillages et macchabées : presqu'île de Gâvres, de Guénolé Troudet (Astoure, "Breizh noir")
    Liens : Attention les fauves |Hervé Bourhis |Paul Doherty |Brice Pelman | San-Antonio |Laurent Scalese |Kate Sedley |Georges Simenon |Olen Steinhauer |Carlene Thompson

  • 12/11 Prix littéraire: Le Touriste à l'honneur

Spy trips

Il y a les touristes, et les Touristes. Une majuscule qui fait toute la différence entre les premiers – que vous connaissez bien pour les croiser régulièrement aux moments les plus "touristiques" de l'année en groupes plus ou moins denses, que vous identifiez tout de suite par l'idiome exotique dont ils usent entre eux et par leur propension à diriger de toutes parts leurs APN brandis à bout de bras – et les seconds qui, s'ils ont parfois l'air d'être d'authentiques touristes, n'en sont pas tout à fait : ce sont des agents très spéciaux de la CIA dépourvus de toute attache familiale, rompus aux beaux-arts de l'espionnage – exister sans laisser de traces, changer d'identité comme de chemise, tuer si besoin est en commettant, à chaque fois, un crime parfait… – et capables d'obéir sans réfléchir aux ordres qui leur sont donnés. Cela au prix bien souvent de leur équilibre psychologique car, pour être opérationnels et efficaces, ils ne doivent accorder leur confiance à personne : leur meilleur ami, quand ce n'est pas leur collègue le plus fiable, peut cacher un agent double – voire triple.

Milo Weaver est l'un des meilleurs Touristes de la Compagnie (petit nom de la CIA). Mais il est souvent proche du point de rupture qui le conduirait au suicide – option si tentante, toujours là, à portée de pensée comme l'épaule complaisante d'un ami s'offre à celui qui désespère… contre laquelle il lutte avec acharnement, à coup d'alcool ou de drogues l'aidant à maintenir sa vigilance afin d'accomplir au mieux ses missions. Le 11 septembre 2001, tandis que les États-Unis sont la cible d'une attaque terroriste qui va définitivement bouleverser le monde, Milo, à Venise, connaît lui aussi un basculement décisif : il frôle la mort et se retrouve en train de tenir la main d'une femme sur le point d'accoucher… Six ans plus tard, il a épousé Tina, élève avec elle la fillette née en de si bizarres circonstances, Stéphanie, et a quitté la sphère touristique. Il y revient "par la bande" après que Le Tigre, un insaisissable tueur à gages traqué par la Compagnie, lui a révélé quelques troublantes informations et demandé de découvrir qui lui avait inoculé le virus du Sida – car Le Tigre est en train de mourir…

Ainsi commence un inextricable sac de nœuds où l'on retrouve emmêlés les multiples fils d'une diplomatie internationale à large spectre – la Chine, les États-Unis, l'Europe ont tous des intérêts plus ou moins occultes au Soudan, pétrole oblige –, et que travaillent à maintenir au plus serré aussi bien les opérations d'un homme d'affaires russe ultra corrompu que les sournois antagonismes entre services de renseignements américains (CIA, NSA, Homeland Security…). Comment diable évoluer dans un tel imbroglio quand on est, soi-même, accusé de meurtre et de trahison ? C'est pourtant le défi qui se pose à Milo, sans compter qu'il doit le relever sans perdre Tina et Stéphanie…

Entre individus diversement refroidis et menées souterraines imputables à la politique internationale, courant d'aéroports en chambres d'hôtel quittées précipitamment au volant de véhicules "empruntés" à la sauvage, Milo Weaver entraîne le lecteur dans une longue traque-poursuite où sont mis en œuvre tous les stratagèmes les plus retors du parfait fugitif. L'action, ponctuée de dialogues vecteurs d'informations essentielles dont il ne faut rien perdre, ne laisse guère de répit. De temps en temps cependant le récit marque le pas et se tourne vers Tina et Stéphanie, ménageant çà et là des pauses-famille, enclaves de tendresse et de drôlerie. Ailleurs, ce sont des piques plus grinçantes qui font poindre un rire à fortes nuances jaunes… Et pour rehausser le tout, des mots de passe bien choisis permettent à l'auteur de glisser un subtil hommage à James Joyce et John Le Carré.

Voilà pour le fond et le ton. Quant à la construction, elle est admirable : on voit jusque dans les moindres détails à quel point l'auteur maîtrise sa narration et avec quel art il en assure la progression de façon à maintenir un suspense optimal - chapitres impeccablement rythmés, toujours interrompus à des instants clés. Le Touriste est un roman dont il est très difficile d'interrompre la lecture. Ce n'est d'ailleurs pas recommandé – sauf à avoir une mémoire infaillible – car les retournements sont nombreux et pour bien comprendre les développements de l'intrigue, il faut se souvenir de tout, fût-ce des allusions paraissant anodines de prime abord.
Un volume de plus de cinq cents pages vous effraie un peu ? Il n'y a vraiment pas quoi ; d'une part c'est l'exacte distance que requiert l'histoire – il n'y a pas un temps mort, pas une plage d'ennui ni de digressions inutiles – et d'autre part l'écriture est d'une extrême fluidité, simple et directe mais pas "facile" pour autant – l'on sent sous la simplicité un travail très précis visant à concentrer le sens en un minimum de mots, sous-tendu par un souci constant d'être juste et expressif. Les dialogues, fréquents, aèrent et dopent la narration et, enfin, l'humour omniprésent – tantôt cynique, tantôt plus léger et simplement drôle – mais dosé avec finesse achève de transformer la lecture en pur plaisir hautement jubilatoire.

Et puis il y a cet ultime raffinement, attestant, sans doute, du goût de l'auteur pour les fictions romanesques complexes – ce Livre noir du Tourisme qui parcourt les pages du roman… Mythe ou réalité ? Objet rêvé autour duquel des agents déboussolés tâchent de construire quelque aspiration fiable – une quête qu'ils puissent mener sans que l'objectif soit changé par leur supérieur – ou bien manuel de conduite réel mais tenu si secret que l'on doute de son existence ? Pour ma part j'ajouterais à cette petite liste une possibilité supplémentaire : Le Touriste ne serait-il pas une identité d'emprunt pour ce Livre noir, dont les versets seraient à extraire de la masse romanesque ?
Secouez le roman, décantez l'appareil fictionnel, et peut-être au fond de la cornue verrez-vous apparaître le Livre noir du Tourisme…

Avec ce cinquième roman publié en France, Olen Steinhauer prouve, une fois de plus, qu'il est un excellent écrivain, et pas seulement un grand auteur de romans noirs.


On en parle : Carnet de la Noir'Rôde n°38

Nominations :
Grand Prix des Lectrices de "Elle" Policier 2010

Citation

Considérer le suicide comme un crime impliquerait que la nature sache ce que sont le bien et le mal. La nature ne connaît que l'équilibre et le déséquilibre.

Rédacteur: Isabelle Roche jeudi 22 juillet 2010
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