Le Pacte des filles du volcan

Au service action, la règle veut que l'on ne tue qu'une fois. Nous ne voulons pas d'assassins professionnels dans nos rangs. Nous ne voulons pas que quiconque y prenne goût.
Vincent Crouzet - Retex
Couverture du livre coup de coeur

Coup de coeur

Éclipse totale
Harry Hole a été exclus de la police, ce qui ne l'empêche pas de couler des jours heureux, bouteille ...
... En savoir plus

Identifiez-vous

Inscription
Mot de passe perdu ?

jeudi 28 mars

Contenu

Roman - Policier

Le Pacte des filles du volcan

Whodunit - Chantage - Rural MAJ vendredi 21 octobre 2022

Note accordée au livre: 2 sur 5

Poche
Réédition

Tout public

Prix: 8 €

Sylvie Baron
Impasse des Demoiselles - 2020
Paris : J'ai lu, août 2022
416 p. ; 17 x 11 cm
ISBN 978-2-290-37819-9

Volcans bien éteints

S'agissant de littérature, donc d'un usage particulier de la langue (et de ses arcanes) on conviendra assez facilement que l'écriture, la manière dont mots et phrases sont tissés compte au premier chef, plus que le récit en soi – tant et si bien qu'il peut y avoir chef-d'œuvre littéraire sans qu'il soit sous-tendu par une histoire proprement dite. Reste que dans un roman, a fortiori policier, l'intrigue au contraire prime ; il ne saurait y avoir polar sans histoire, et encore celle-ci doit-elle être servie par un "art de raconter" bien maîtrisé. Or, face à ce Pacte, force est de constater que ni l'intrigue, ni l'écriture ne sont dignes d'éloge.
À Chaudes-Aigues, au cœur de l'Auvergne, une bande d'adolescents tente d'échapper à la banalité quotidienne en s'adonnant frénétiquement à la pratique du skateboard. Ils ont élu pour spot une ancienne tannerie désaffectée, y ont même construit une rampe par leurs propres moyens. Adam, Jojo, Agnès et Élodie, les sœurs Lajarrige (Nine, Sophie et Lou), Anthony le Parisien qui s'agrège à leur groupe chaque été – les relations se nouent autour des prouesses sportives et des attirances amoureuse avouées ou non. Jusqu'à ce qu'un matin, au sortir d'une nuit de fête bien arrosée, ils découvrent le corps d'Agnès au bas de la rampe, le visage atrocement abîmé. Une mauvaise chute consécutive à une figure trop acrobatique ? Sûrement... Et cet accident qui se double de la disparition de sa sœur Élodie... Deux drames qui sonnent le glas de la bande. Il y a ceux qui s'en vont et ceux qui restent mais les liens sont rompus.
Dix ans plus tard, ce passé douloureux fait retour. Sous forme de messages anonymes sibyllins et inquiétants adressés aux anciens skateurs, en même temps que Nine, l'aînée des filles Lajarrige, revient au bercail après avoir laissé sa famille sans nouvelles, bousculant le foyer de sa cadette Sophie – et la tranquillité de la cité thermale avec son pharaonique projet de chambres d'hôtes de luxe aménagées dans la tannerie qu'elle entend réhabiliter. Une période de haute activité sismique en perspective dans le pays des volcans éteints...

En eux-mêmes, les fondements du récit sont des plus convenus. On ne compte pas les fictions bâties sur de pareilles bases – et parmi elles, de notables perles. Ce que n'est pas ce roman : il est au contraire ennuyeux car encombré de détails inutiles, notamment domestiques, plombé par une technique narrative consistant à délayer le déroulement du récit par de longues descriptions insipides – insérées parfois entre deux répliques censées se répondre du tac au tac – ou, à l'inverse, à en briser le rythme par des successions de phrases elliptiques, en général disposées à raison d'une par ligne comme si l'auteure devait sa rémunération au même barème que les feuilletonistes de jadis, générant ainsi un agaçant staccato textuel. Sans compter les incessantes incursions dans l'intériorité des personnages par le truchement de passages en italiques, autres ruptures agaçantes par leur omniprésence.
Les personnages, justement... du fait de cette écriture bavarde, qui en outre brasse les clichés (les étoiles comparées à une "rivière de diamants" ! le brouillard nocturne qui "accentuait l'ambiance fantomatique" !), ils s'avèrent dénués de crédibilité, comme certaines des situations dont ils sont les acteurs – quel réalisme dans la rapidité avec laquelle Nine chambarde le salon de sa sœur au chapitre 8 ? Le texte est pourtant, à bien des égards, très préoccupé de réalisme.

Et puis il y a l'artificialité des dialogues tant au regard du niveau de langue – qui, dans une conversation courante, fût-elle pliée aux codes de l'écrit comme c'est la règle dans un roman, emploie le passé simple ? Dit-on à un interlocuteur réclament des informations que l'on ne veut plus donner "Tu ne mérites pas que je t'informe !" ? – que du fond : les questions sociétales (clivage économique entre Paris et la campagne, désertification, perception du véganisme en milieu rural et même le problème des chats errants !) semblent s'inviter, parfois pesamment, dans les échanges non parce que le récit l'exige mais parce que l'auteure souhaite les faire émerger à toute force. Le roman, qui a été publié en grand format en 2020, a très certainement été écrit bien en amont. L'eût-il été plus tard, mettons à la fin de l'état d'urgence sanitaire, sans doute aurions-nous trouvé quelques Gilets jaunes rescapés des ronds-points auvergnats, et plus probablement encore, sinon des covidés, du moins des Parisiens venus se confiner au vert frappés d'infamie comme certains l'ont été dans la vraie vie – avant de redevenir, une fois les confinements terminés, des "touristes" dont on espère la venue.

Que l'auteure veuille, comme elle l'indique dans la courte biographie qu'elle a publiée sur son site, utiliser l'intrigue comme "prétexte à faire passer d'autres messages" est une orientation qu'il ne s'agit nullement de remettre en cause – c'est son choix d'auteure et ne souffre donc pas le moindre jugement. Mais pour que les "messages" passent, il faut d'abord que le récit retienne l'attention du lecteur. Or comment faire entendre les nuances du parti pris végan, la complexité des rapports entre les habitants d'un territoire rural et les néoruraux qui s'y implantent (parfois sans la moindre connaissance des us et coutumes locaux, une ignorance confinant souvent au mépris) si l'on greffe tout cela sur une histoire excessivement compliquée, et de plus ennuyeusement racontée ? Quant aux tortuosités des relations humaines – familiales, amoureuses, amicales – il ne faut pas compter sur ce roman bavard, aux personnages mal campés où la plupart des dialogues sonnent faux, pour en ressentir les ambivalences et les acmés.
En d'autres termes, je ne pense pas qu'avec ce Pacte des filles du volcan l'auteure ait un tant soit peu atteint l'un ou l'autre des objectifs qu'elle dit s'assigner : les portraits psychologiques sont brouillés du fait du manque de crédibilité des personnages et les messages sociétaux bien trop noyés dans un bavardage inconsistant pour "passer".

NdR - Le roman est précédemment par sous le titre Impasse des demoiselles.

Citation

Dans la brume, le visage laiteux d'Agnès ressemblait à celui du clown blanc.
Un clown à la fois triste et méchant.
Un clown qui faisait presque pitié.
Un clown qui disait des choses insoutenables.

Rédacteur: Isabelle Roche dimanche 16 octobre 2022
partager : Publier dans Facebook ! | Publier dans
MySpace ! |

Pied de page