Corniche Kennedy

N'avait-il pas souhaité de la rencontrer chez Fouasse ? Cela lui enlevait toute idée de retour sur soi-même. Il semblait prendre, à se tourmenter et à multiplier les angoisses de sa peur, un soin extrême. Était-ce possible ? Un sentiment nouveau l'habitait. Une espèce d'allégresse imprévue, de détachement, de secrète délivrance... Lampieur pouvait à peine y croire. Pour la première fois, depuis son crime, chaque chose devenait simple, naturelle.
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Roman - Noir

Corniche Kennedy

Psychologique MAJ mercredi 21 janvier 2009

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 15,5 €

Maylis de Kerangal
Paris : Verticales Phase Deux, septembre 2008
178 p. ; 20 x 14 cm
ISBN 9782070122196

Actualités

  • 16/07 Prix littéraire: Prix Campus des lecteurs 2012-2013
    Les éditions Folio ont lancé un prix littéraire couronnant un de leurs titres toutes époques et tous genres confondus. Ce prix des lecteurs est exclusivement réservé à des jeunes de quinze à vingt-cinq ans dont la voix importe autant que les autres. Le vote est possible jusqu'au 1er décembre. Chacun doit élire son roman préféré parmi une liste de quarante - dont nombre sont apparentés à nos genres de prédilection. Pourquoi voter ? me direz-vous, eh bien parce que parmi les participants, il y aura un heureux élu qui gagnera le droit d'aller trois semaines sur un campus new-yorkais (lequel ?) avec EducationFirst en plus d'être prochain chroniqueur Folio. Cette opération se fait en partenariat avec Phosphore, Campus Mag, RATP et EducationFirst. Elle se veut en outre ludique avec apport de vidéos d'internautes présentant leurs ouvrages de prédilection. Ce qui est étrange de prime abord, c'est que la première édition est parrainée par une auteure dont le roman est présent dans la sélection. Ensuite, on remarque que ce fourbe de Romain Gary est là encore présent deux fois (La Vie devant soi avait été publié en 1975 sous le pseudonyme de Émile Ajar ; l'auteur en avait profité pour embarquer dans sa valise un second Goncourt au grand dam d'un règlement qui le lui interdisait), alors que là ça ne s'impose pas tant le catalogue de Folio est d'importance. Enfin, on serait compréhensif de la gêne éprouvé par Antoine Bello et ses contemporains d'être à la bagarre avec Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, André Gide et William Golding pour ne citer qu'eux... Quant aux genres que nous privilégions en ces pages ? Comment oublier Au bonheur des ogres paru en son temps sous la plume de Daniel Pennac à la "Série noire" ? Nous rajouterons évidemment Les Falsificateurs, d'Antoine Bello, Malavita, de Tonino Benacquista, Les Détectives sauvages, de Roberto Bolano, Junk, de Melvin Burgess (paru également dans la collection ado de Gallimard jeunesse, "Scripto"), Corniche Kennedy, de Maylis de Kerangal, Le Bruit et la fureur, de William Faulkner, Sur la route, de Jack Kerouac (dont on parle beaucoup actuellement), La Douce empoisonneuse, d'Arto Paasilinna, Le Dieu des petits riens, d'Arundhati Roy ou encore Des souris et des hommes, de John Steinbeck. Autant d'ouvrages qui ont ouvert les frontières des genres, mais qui touchent à des thématiques sordides, cruelles, sombres, noires, loufoques... Bref... Vous l'aurez deviné, des romans que l'on apprécie hautement et dont on serait bien en peine de dire quel est le meilleur du lot (comment choisir entre Sur la route et Des souris et des hommes ?). Mais cette première édition est un bel essai qui remet au goût du jour certains auteurs du XXe Siècle... Attendons de voir la suite !

    Sélection du prix :
    1 - Muriel Barbery (L'Élégance du hérisson)
    2 - Alessandro Baricco (Novecento : pianiste)
    3 - Antoine Bello (Les Falsificateurs)
    4 - Tonino Benacquista (Malavita)
    5 - Alan Bennett (La Reine des lectrices)
    6 - Roberto Bolano (Les Détectives sauvages)
    7 - Melvin Burgess (Junk)
    8 - Jonathan Coe (Bienvenue au club)
    9 - Albert Cohen (Belle du seigneur)
    10 - Frank Conroy (Corps et âme)
    11 - Simone de Beauvoir (Mémoires d'une jeune fille rangée)
    12 - Maylis de Kerangal (Corniche Kennedy)
    13 - Erri De Luca (Montedidio)
    14 - Tristan Egolf (Le Seigneur des porcheries)
    15 - Laura Esquivel (Chocolat amer)
    16 - William Faulkner (Le Bruit et la fureur)
    17 - Romain Gary (La Vie devant soi)
    18 - Romain Gary (La Promesse de l'aube)
    19 - André Gide (La Symphonie pastorale)
    20 - William Golding (Sa majesté des mouches)
    21 - Kazuo Ishiguro (Auprès de moi toujours)
    22 - Jack Kerouac (Sur la route)
    23 - Milan Kundera (La Vie est ailleurs)
    24 - Carole Martinez (Le Cœur cousu)
    25 - Ian McEwan (Sur la plage de Chesil)
    26 - Katherine Mosby (Sous le charme de Lilian Dawes)
    27 - Vladimir Nabokov (Lolita)
    28 - George Orwell (1984)
    29 - Arto Paasilinna (La Douce empoisonneuse)
    30 - Daniel Pennac (Au bonheur des ogres)
    31 - Marisha Pessl (La Physique des Catastrophes)
    32 - Philip Pullman (Les Royaumes du nord)
    33 - Raymond Queneau (Les Fleurs bleues)
    34 - Arundhati Roy (Le Dieu des petits riens)
    35 - Jean-Paul Sartre (Les Mots)
    36 - Bernhard Schlink (Le Liseur)
    37 - Zadie Smith (Sourires de loup)
    38 - John Steinbeck (Des souris et des hommes)
    39 - Fred Uhlman (L'Ami retrouvé)
    40 - Martin Winckler (Les Trois médecins)

    Comment participer ?
    La page du Prix Campus des lecteurs
    Liens : Tonino Benacquista |Maylis de Kerangal |Martin Winckler

  • 03/11 Prix littéraire: Prix Médicis 2010
  • 29/04 Prix littéraire: Zulu, encore une fois récompensé !

Chronique

Dans Corniche Kennedy, tout n'est que mise en scène, observation, confrontation. La corniche en question, sous un soleil de plomb, au mois d'août, à Marseille, accueille une représentation rejouée tous les jours inlassablement, celle des plongeons d'une poignée d'adolescents (la Bande), héros de cette infime partie du littoral qu'ils se sont complètement appropriée. Le rituel est précis. Par un effet de gradation du risque, les plates-formes de sauts Face to Face, Just do it distinguent entre ceux qui vont jusqu'au bout, et les autres, qui se contentent des plongeoirs les moins risqués. La hiérarchie s'installe alors naturellement au sein de la Bande, et le respect avec. Eddy, Mario, Ptolémée, Nadia et les autres se jugent, se jaugent, roulent des mécaniques, bravent le vide, la peur, cherchent leur place et cherchent, surtout, à la conserver. On s'interpelle, on se pavane, on se séduit, on s'observe. On fait mine de. Mais le combat est bien là, contre les autres, contre la mer, là, en bas, et contre soi. Pour l'adrénaline, pour ce moment où l'on ressort la tête de l'eau, conscient d'être regardé, admiré. Conscient de "l'avoir fait". Il n'est pas question ici de "la jeunesse", mais de quelques adolescents d'un "âge dilaté entre treize et dix-sept".

L'ouvrage aurait pu se concentrer sur cela, une chronique adolescente sur la construction de soi face aux autres, au vent, au vide et à la mer. Un schéma sans relief ni saveur qu'une chute volontaire recommencée ad libitum. Mais le commissaire Sylvestre Opéra veille. Il surveille même, du haut de son promontoire de bureau, endroit rêvé pour garder un œil sur ces gamins braillards qui n'ont peur de rien. Chargé de la surveillance du littoral, il a un point noir, la corniche, la "Plate" comme ils l'appellent. Opéra est affublé d'un certain nombre d'attributs habituels au type de personnage : solitaire, porté sur la bouteille, atteint d'une maladie qui fait sa faiblesse (diabète), et s'adonnant à quelques fréquentations pas très catholiques (Tania, la prostituée). Mais l'intrigue ne tombe pas dans un jeu bête et méchant du chat et de la souris entre les jeunes et la police, la terre ferme et le vide, les idéaux et la carrière. L'auteur se livre à une véritable immersion au sein de chacun des mondes, des deux bulles qui coexistent physiquement dans la ville, le bureau d'Opéra surplombant la mince bande de rochers entassés, où s'éprouvent, où s'épreuvent les adolescents, qui trouvent leurs repères hors de l'espace-temps traditionnel. La marginalité ici est symbolisée par cette partie de territoire hors territoire difficile d'accès, territoire sacré d'une adolescence prête à tous les vertiges.
Si les coups de projecteurs sur Sylvestre Opéra sont souvent moins marquants que les pages consacrées à la Bande, l'auteur nous entraîne néanmoins dans un quotidien de flic rythmé par les descentes dans une boîte de nuit plutôt louche, la surveillance d'un voilier plein à craquer de drogue, et les sombres filières de prostitution. Nous retiendrons au final un roman empreint d'une noirceur toute en nuances, des personnages esquissés juste comme il faut - épais mais pas indigestes - et une force de l'écriture parfaitement bien dosée entre poésie du social et descriptions très justes d'une adolescence atemporelle. Un roman qui se détache, et qui parvient à donner le vertige.

Nominations :
Prix Jean Amila-Meckert 2009

Citation

[...] leur corps est propulsé à l'avant, à l'avant de la corniche, à l'avant de la ville, à l'avant du bourbier qu'ils laissent dans leur dos, le bourbier de l'enfance et des secrets pourris, et dans la chute ils hurlent.

Rédacteur: Estelle Durand vendredi 09 janvier 2009
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