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Grand format
Réédition
Tout public
Serge Bromberg (présentation)
Paris : Montparnasse, septembre 2005
19 x 14 cm
Coll. "RKO", 62
Errances humaines
Lawrence Tierney est un habitué des rôles de gangsters à tel point que dix ans avant sa mort il endossera celui de Joe Cabot, organisateur du casse dans Reservoir Dogs, grand hommage au grand acteur de Quentin Tarantino dont on ne louera jamais assez l'immense culture cinématographique populaire. Dans Né pour tuer, en 1947, du très prolifique et brillant Robert Wise, il est Sam, un être impulsif foncièrement mauvais, arriviste, égoïste, compulsif et brutal. Un peu beaucoup pour un homme à l'intelligence réduite qui a des mains comme des battoirs. Et dans cette ville américaine, il commet le double meurtre de sa petite amie et de son flirt du soir dans une résidence sous le coup de la jalousie. Les corps sont découverts par Helen (Claire Trevor) qui, on ne sait trop pourquoi, choisit de prendre le train de nuit pour San Francisco. Évidemment, loi de l'improbabilité cinématographique oblige, Sam prend le même train sur l'insistance d'un ami gangster. Ils se rencontrent, se reconnaissent une même personnalité attirante, tombent amoureux l'un de l'autre sans même savoir les fondations de cette histoire. Tout ça dans le train, mais à San Francisco, l'histoire sera tout autre, car Helen y a un fiancé, une demi-sœur et une vie qui se profile sous un luxe éclatant. Sam s'impose, se marie avec la demi-sœur qu'il n'aime pas, envahit l'univers d'Helen.
La passion dévorante qui les ronge va anéantir peu à peu tous les repères d'Helen. Ses bonnes manières disparaissent au profit de sa nature bestiale et avide. Un détective privé venu enquêter sur les meurtres initiaux fait son apparition. Les fils complexes ne cessent de se croiser. Tout devient incontrôlable jusqu'à la fin d'une extrême beauté sombre et violente, l'un tuant l'autre avant de se faire lui-même tuer. Les héros noirs de Robert Wise n'ont, en règle générale, aucune saine échappatoire, mais ce qui importe dans ses films c'est comment ils se révèlent, quels sont les liens qui les unissent et les contraignent à commettre des actes une fois affranchis de leur servitude civilisée. Né pour tuer est l'un de ces films noirs où le réalisateur ne peut pas être accusé de louer les qualités des bad guys. Aucune repentance possible, aucuns remords pour des actes qu'ils assument jusqu'à leur mort si ce n'est la lâcheté de l'un dans un ultime soubresaut préventif. Et ce qui fait le grand charme de ce film, outre le jeu de ce couple extraordinaire d'acteurs - dont l'union puis la désunion irréversible sont symbolisées par ce pont, le Bay Bridge, figure omniprésente fragile du film dans une ville sujette aux tremblements de terre -, c'est bien cette tension narrative qui s'accompagne d'une excellente maitrise du noir et blanc. Un film grandiose, assurément l'un des meilleurs de Robert Wise, d'une éclatante élégance alliée à un décryptage étonnant de l'âme humaine.
Né pour tuer : 92 min. réalisé par Robert Wise sur un scénario de Eve Greene et Richard MacAulay, d'après le roman Deadlier Than the Male de James Gunn avec Claire Trevor, Lawrence Tierney, Walter Slezak, Phillip Terry, Audrey Long, Elisha Cook Jr...
Bonus. Présentation de Serge Bromberg.
Citation
Je n'aime pas beaucoup le jeu. Je n'aime pas être à la merci de dès qui décident de mon sort. J'en décide moi-même.