Contenu
La Femme à abattre
Grand format
Réédition
Tout public
Paris : Films Sans Frontières, septembre 2011
19 x 14 cm
Coll. "Films du Siècle"
Bogart et la manière
"Un petit escroc entre dans un commissariat et se dénonce pour avoir tué sa nana... Puis se pend. Vous le croyez ? Je vous comprends, il parle de 'contrat', de 'coup', d'être obligé de la tuer... Et il n'y a pas de cadavre." C'est le début non pas de l'extraordinaire film noir finalement réalisé par Raoul Walsh (en lieu et place de Bretaigne Windust malade), mais de l'enquête menée par un inspecteur de police incarné par le très charismatique Humphrey Bogart sur un vaste réseau criminel. Dès les premières minutes du film, le témoin oculaire d'un meurtre, aux abois, poursuivi par des tueurs, finit par mourir accidentellement en tentant de s'enfuir du commissariat où il était cloîtré en attendant le procès du lendemain. L'affaire qui normalement aurait dû être qualifiée de classée s'écroule tel un château de cartes, et à partir de ce moment-là, il ne reste que sept heures avant que Mendoza, chef de la Murder Inc., soit relâché faute de preuves. Humphrey Bogart abattu mais qui se relève, réécoute les bandes enregistrées du témoignage à charge en même temps que défilent devant nous les images retraçant l'histoire qui a conduit à l'arrestation de l'un des pires criminels qui soit en un long flashback.
Tous les éléments du film noir sont alors réunis pour un excellent film noir avec en guest star Humphrey Bogart (d'ailleurs, hormis Ted de Corsia, les acteurs sont pour l'essentiel issus du théâtre et de la télévision). Il y a Mendoza, meurtrier calculateur mais qui garde les mains propres, un chauffeur de taxi et sa fille qui l'ont vu commettre, des années auparavant, le seul acte meurtrier qui pourra l'envoyer sur la chaise électrique, une situation improbable des années après, une tension dramatique menée magistralement par "Boggie", un retournement de situation final qui conduira Mendoza à la potence - "Vous avez déjà eu un air dans la tête sans pouvoir vous souvenir des paroles ?", s'interroge Humphrey Bogart avant un éclair de lucidité. Tout ceci dans un film qui explicite les failles des procédures judiciaires, qui montre à quel point les lois américaines écrites et votées pour défendre les honnêtes citoyens ont été détournées et mises à profit par ceux qui les méprisent. Raoul Walsh derrière la caméra utilise les canons du genre : il se focalise dans cette course pour la mort légale sur les aiguilles des horloges, il décrit les rouages d'une société criminelle, il s'impose derrière le charisme d'Humphrey Bogart (qui, étrangement, semble avoir le mauvais rôle sur la jaquette du DVD), il use de ce clair-obscur en vogue dans le film noir des années 1930-1950, qui occulte quelques erreurs de script comme lors de la tentative d'assassinat du témoin dans le commissariat au fusil à lunette par deux hommes dont un chargé uniquement de dire au tueur quand tirer. On est quasiment dans un huis-clos, on finit en milieu urbain, à la recherche de la seule personne pouvant permettre à la justice de faire son travail. Un final digne des plus grandes fins de films d'Alfred Hitchcock. Simplement extraordinaire...
La Femme à abattre : 87 min. Réalisé par Raoul Walsh & Windust Bretaigne sur un scénario de Martin Rackin. Avec Humphrey Bogart, Zero Mostel, Ted de Corsia, Everett Sloane, Roy Roberts, Adelaide Klein, Don Beddoe...
Citation
Encore sept heures, et Mendoza sort libre de ce tribunal. Comment est-ce possible ? Qu'est-ce qui cloche dans les lois pour qu'il reste intouchable ? Oh ! Je sais bien... Ce sont les lois conçues pour protéger les innocents... Ça ne suffit pas de savoir qu'un homme est coupable, on doit le prouver.