k-libre - en marge - Baïonnette au canon

Jon Gutteriez n'aime pas les cadavres dans le Manzanares. Ce n'est pas une question d'esthétique. Celui-là est très déplaisant (il semble avoir passé un certain temps dans l'eau), avec sa peau bleutée couverte de taches violacées, ses mains pratiquement détachées des poignets. Mais il ne peut se permettre de faire la fine bouche.
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samedi 23 novembre

Contenu

DVD - Guerre

Baïonnette au canon

Psychologique MAJ mercredi 21 novembre 2012

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Réédition

Tout public

Prix: 16,99 €

Samuel Fuller
Fixed Bayonets! - 1951
Patrick Brion (présentation)
Paris : Sidonis, septembre 2012
19 x 14 cm
Coll. "Classique de guerre"

Yeux baïonnette

S'il y a un réalisateur américain qui connait bien la guerre sous toutes ses facettes horrifiques, alors c'est Samuel Fuller. Dans Baïonnette au canon, l'ancien de la Big Red One instille ses cauchemars de la Seconde Guerre mondiale dans sa vision d'un fait d'armes en Corée. Nous sommes en 1951 et l'offensive communiste contraint les forces américaines - quinze mille hommes - à se retirer. Mais quarante-huit soldats d'élite ont pour mission de retarder les troupes sino-coréennes à flanc d'une montagne enneigée créant l'illusion du nombre. L'histoire pourrait se résumer à cet acte héroïque, mais ce n'est pas ça qui intéresse Samuel Fuller. Il se concentre sur Denno (Richard Baseheart magnifique d'humilité, que l'on retrouvera dans les rôles phares d'Ishmael dans le grand Moby Dick de John Huston aux côtés de Gregory Peck et Orson Welles, et d'Ivan Karamazov dans Les Frères Karamazov de Richard Brooks). Un sous-officier qui n'a pas peur de mourir, mais qui a peur de tuer un homme dont il croise le regard. Or Denno, qui a trois supérieurs à ses côtés, va devoir prendre en main ses troupes au pire moment alors que tous les officiers sont morts. Il va devoir affronter son statut d'ichi ban.

Samuel Fuller filme l'humanité des hommes dans l'horreur de la guerre. Il aboutit à un splendide film esthétique en noir et blanc où les cadrages serrés sur des visages transpirant de peur, de crasse et de sang sont poignants de réalisme. Il multiplie les monologues introspectifs et existentiels de son protagoniste avec ses peurs, ses errements et ses incertitudes aboutissant à révéler le quotidien de soldats ordinaires. Il ajoute à la crudité des images des dialogues encore plus crus, froids et caustiques qui abordent la mort dans toute sa stupidité. Et c'est bien dans les détails que Fuller se démarque des autres. Il révèle l'aspect psychologique de la guerre à travers un épisode éreintant avec des clairons chinois, il montre l'absurdité des mines antipersonnel avec un long passage dans un champ de mines américaines qui au lieu de favoriser les GI les empêchent de s'en sortir. Enfin, il impose son propre mythe de la caverne - là encore avec un massage généralisé de pieds en milieu humide. Tout cela conduit à un film atypique, cruellement réaliste et sombre où la baïonnette fait resurgir la bête qui est en chaque homme.

Baïonnette au canon : 92 min. réalisé par Samuel Fuller sur un scénario de Samuel Fuller d'après le roman de John Brophy. Avec Richard Basehart, Gene Evans, Michael O'Shea, Richard Hylton, Skip Homeier, James Dean...
Bonus. Présentation de Patrick Brion. Galerie photos. Bande-annonce.

Citation

Dis-toi une chose : tu tires pas sur un homme, mais sur l'ennemi. Quand t'as digéré ça, t'as ton baptême de tireur. Ce sera aussi facile que de cracher un coup.

Rédacteur: Julien Védrenne mardi 20 novembre 2012
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