Contenu
La Muraille de lave
Grand format
Réédition
Tout public
Jean-Marc Delhausse (lecteur)
Traduit de l'islandais par Éric Boury
Paris : Audiolib, octobre 2012
19 x 14 cm
ISBN 978-2-35641-506-6
Un monde usé jusqu'à la corde...
Erlendur baguenaude, d'un chemin buissonnier l'autre, laissant à ses adjoints le soin de démêler les affaires qui se présentent. Elinborg, et Sigurdur Oli, surtout, objet de toute l'attention de l'écrivain cette fois, toujours aussi abrupt, insensible, aux commentaires équivoques, exaspérants. Le roman s'ouvre sur une réunion d'anciens camarades de lycée. Tous ont réussi. Sigurdur Oli ? Peut-être pas. Un flic, ce n'est plus grand-chose dans cette société d'opulence qui semble se dessiner. Mais c'est bien pratique encore : un ancien camarade de lycée lui demande de l'aider dans une affaire de chantage. Des parties fines compromettantes. Le couple maître chanteur est connu. Sigurdur Oli frappe à leur porte quand un homme l'agresse avant de réussir à prendre la fuite. Dans l'appartement, la maîtresse de maison agonise, le crâne défoncé. Laissant Sigurdur Oli dans l'embarras au moment d'appeler ses collègues : que faisait-il sur les lieux de l'agression ? Sigurdur Oli n'en dira rien tout d'abord, menant son enquête obstinément, dans l'entourage de jeunes banquiers sans scrupules. Mais d'autres affaires le rattrapent, nouant leurs logiques à cette dernière pour parachever la vision d'une société en pleine déliquescence morale.
De sales affaires donc, partout, toujours, où la morale individuelle comme la morale publique se voient congédiées sans façon : une société de profit n'a que faire de la morale. C'est qu'à tous les niveaux de la vie, l'Islande s'était mise à croire à cette course au profit qu'on lui avait enseignée. Une course à bout de souffle désormais, celle d'un monde à l'agonie, le nôtre, qui n'en finit pas de s'effondrer sur lui-même. Voilà ce que Sigurdur Oli découvre, partout, dans son propre couple comme dans son propre corps défaillant, dans l'être si peu convaincant qu'il se voit devenir comme dans le couple de ses parents, malades autant physiquement que psychologiquement. Une débandade généralisée où jaillit l'horreur des perversions humaines libérées comme d'une boîte de Pandore nauséabonde. L'Islande du credo néolibéral. Celle d'avant la révolution des casseroles, que le roman n'élucide pas, tant il s'est enfermé dans l'explication éthique. Une explication qui ouvre un éprouvant horizon sur fond de la personnalité de Sigurdur Oli, obligé d'en rabattre, décrivant une trajectoire sensible pour le coup, qui l'humanise, à rebours des certitudes qui l'avaient rendu si méprisable aux yeux du lecteur.
Un tournant romanesque dans la série des enquêtes d'Erlendur, qui peut bien disparaître désormais tant Sigurdur Oli paraît convaincant. Ou bien un roman de transition peut-être, relançant l'œuvre – on imagine le retour d'Erlendur, le choc de ces deux personnalités plutôt que leur affrontement : ils ont tant à dire sur notre humanité... Un récit charnière dont on comprend alors qu'il soit pareillement lu, avec cette diction confiante dans la force du texte, l'emmenant avec fermeté mais l'épousant au plus près pour le mener à son terme. Convaincant !
NdR - 1 CD MP3, 10 h 35 d'écoute.
Citation
Il était une frayeur ancienne qui sortait maintenant de sa cachette pour lui sauter au visage, la gueule béante.