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Western de légende
Les Américains adorent les films qui les magnifient, c'est sans doute pourquoi La Porte du Paradis n'a pas eu le succès mérité à sa sortie en 1980. Et Michael Cimino est devenu un assassin d'abord moral puis de fait. La Porte du paradis, un western crépusculaire sans en être vraiment un, a en effet coûté à United Artists la bagatelle de quarante-quatre millions de dollars, et n'en a rapporté que neuf. Une perte sèche de trente-cinq millions qui a coulé la maison de production. Évidemment, mettre tout sur le dos des Américains relèverait du procédé puéril et vaniteux. En 1980, date de la sortie du film, le western est un genre en désuétude, rongé jusqu'à la moelle, qui a été placé sous respirateur artificiel par les adeptes du western spaghetti, Sergio Leone en tête. Mais Michael Cimino n'en a cure au moment de réaliser un film qui est un véritable hommage du genre qui va puiser dans les films cultes de quoi nourrir une intrigue qui ne donne pas une image très reluisante des États-Unis.
Dans La Porte du paradis, des diplômés de Harvard en 1870, devenus bourgeois vingt ans plus tard, enrôlent cinquante tueurs pour aller massacrer une communauté de migrants pauvres d'Europe de l'Est venus s'implanter au Wyoming au prétexte qu'ils sont des parasites. James Averill (le puissant et charismatique Kris Kristofferson), diplômé la même année, fait figure de renégat : marshall du comté, il s'oppose ouvertement à ces hommes, et est en tête de liste des futures victimes. Un homme seul face à la horde sauvage : une histoire à rentrer dans les livres d'histoire sauf que Michael Cimino ajoute un triangle amoureux somme toute classique mais dûment complété par Ella Watson, une prostituée plus glamour que jamais, (Isabelle Huppert insouciante de nudité) et Nathan D. Champion, un homme qui hésite entre devoir et courage (Christopher Walken).
La lutte des opprimés contre les puissants va virer à l'épopée sanglante sans gagnants mais avec que des perdants. Somme toute une version noire de Sam Peckinpah. Mais ce film qui aujourd'hui ressort en version intégrale remasterisée, du haut de ses trois heures et quarante minutes, brille avant tout par la grande culture du genre de son réalisateur, l'alliance du rythme et des ressorts, une interprétation magistrale et des effets de surprise... surprenants ! Je n'en veux pour preuve que cette longue scène avec un garçon à patins à roulettes qui joue du violon dans une salle, et qui après des figures de style dignes de l'acrobate mélomane qu'il est va s'installer en hauteur pour reprendre de plus belle avec son violon pendant que tous les assistants entrent en scène à sa suite et entament une danse eux aussi du haut de leurs patins à roulette. Une première et une dernière assurément dans le western.
La légende dit également que par souci de réalisme, Michael Cimino a insisté pour que les acteurs portent des vêtements mais aussi des sous-vêtements d'époque ! Les cinéphiles découvriront que La Porte du paradis n'est pas un western mais tous les westerns. Bien sûr, c'est La Horde sauvage de Sam Peckinpah qui se conclut par la scène finale en plus dramatique du Butch Cassidy et le Kid, de George Roy Hill avec une attaque des colons révoltés contre l'ordre qui n'est pas sans rappeler le massacre des troupes de Custer par les Apaches lors de la bataille de Little Big Horn, et immortalisé de nombreuses fois au cinéma, et notamment par John Ford, dans Le Massacre de Fort Apache. Chacun y trouvera ses propres références mais dans un film unique où l'on s'en prend plein la figure à chaque scène. La marque des grands films immortels.
La Porte du paradis (1980, 216 min.), réalisation et scénario de Michael Cimino avec Kris Kristofferson, Christopher Walken, Isabelle Huppert, John Hurt, Brad Dourif, Joseph Cotten, Jeff Bridges, Sam Waterston, Mickey Rourke...
La Porte du paradis sur le site de Carlotta