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L'Étrangleur de Boston
Grand format
Réédition
Tout public
Assassin à visage
En 1968, Richard Fleischer réalise L'Étrangleur de Boston. L'Étrangleur, Albert DeSalvo, est un homme normal en apparence, marié, père de deux adorables enfants, ouvrier en plomberie, qui répare des chaudières. Victime d'un dédoublement de personnalité, il assassine froidement onze femmes avant d'être confondu. Le meurtrier, c'est surtout Tony Curtis dans un rôle à contre-emploi où il va exceller. Le nœud de l'affaire c'est que les meurtres ont tous lieu dans des districts différents, et que les brigades de police ne se concertent pas. Un coordinateur est imposé, ce sera le juriste John S. Bottomly ; le bureau de l'Étrangleur est crée. L'enquêteur, c'est Henry Fonda dans un rôle pugnace sur mesure : "Je lirais dans les entrailles d'un corbeau, si je savais pouvoir y trouver un indice." Le film se décompose alors en deux parties : la course poursuite contre l'Étrangleur suivie de l'entretien en hôpital psychiatrique.
La maestria de Richard Fleischer est là, dans la rupture d'approche entre les deux parties de son film. La course poursuite est un mélange d'effraction, d'assassinats de femmes habilement suggérés, d'enquêtes où les inspecteurs rivalisent d'humour noir avec des arrestations de pervers avec des têtes de pervers (celui qui matent les pieds des femmes dans une salle de ciné, celui qui pelote les fesses d'une autre à un arrêt de bus, celui qui leur téléphone pour savoir quelle culotte elles portent, celui qui inlassablement les aborde - cinq cents en six mois ! - en se faisant passer pour celui qu'il n'est pas, celui qui collectionne leurs sacs à main et s'autoflagelle), et avec une police prête à tout même à convoquer dans le plus grand secret un maitre de la perception extra-sensorielle.
Les faits sont accélérés par un fractionnement de l'image. Richard Fleischer multiplie les fenêtres dans l'écran. Tout va très vite, se croise, s'entrecroise, se confond et se mêle. Les victimes s'effacent les unes après les autres. À trop multiplier les meurtres, l'assassin commet une puis deux erreurs qui l'amènent au poste où un détail alerte Bottomly. L'interrogatoire peut alors commencer. Le ton du film change dramatiquement et radicalement.
Henry Fonda se fond dans les souvenirs de Tony Curtis. L'interrogatoire en hôpital psychiatrique est une approche clinique et froide de la réalité et très bien documenté. Tony Curtis victime de deux personnalités qui s'ignorent va les amener à se confronter sous la contrainte de Henry Fonda malgré les avertissements d'un psychiatre qui craint que la mauvaise personnalité prenne définitivement le pas sur la bonne. La lenteur d'un interrogatoire martelé tranche avec la rapidité d'action de la course poursuite.
Curtis est impressionnant en personnage tourmenté ruisselant de sueur dans une salle blanche et un miroir sans teint, assis à une table où trône un enregistreur. A l'inverse, Fonda est un monstre de froideur poursuivant un ultime but : savoir si Curtis est bel et bien l'assassin. "Je dois devenir cinglé", dit Curtis à un moment de l'interrogatoire. Il n'a pas tort...
Pendant deux heures, le spectateur sera passé par tous les états devant ce film brillant. L'Étrangleur, outre ses victimes aura aussi fasciné les réalisateurs nombreux à l'avoir porté à l'écran. Mais pour les inconditionnels du film noir, cet Étrangleur de Boston est bien le plus achevé.
L'Étrangleur de Boston (116 min.) : réalisé par Richard Fleischer sur un scénario de Edward Anhalt, d'après le roman de Gerald Frank. Avec : Tony Curtis, Henry Fonda, George Kennedy, Mike Kellin, Hurd Hatfield, Murray Hamilton, Jeff Corey, Sally Kellerman, Leora Dana...
Bonus. "L'Écran schizophrène : William Friedkin à propos de L'Étrangleur de Boston" (21 min.). "Faux nez, vrai tueur : souvenirs de L'Étrangleur de Boston" (30 min.). Bande-annonce.
Citation
Ce qui m'épate le plus, c'est que les femmes de Boston, en dépit de leur terreur de l'Étrangleur, puisse admettre cet inconnu dans leur lit aussi facilement.