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Les Apparences
Grand format
Réédition
Tout public
Julien Châtelet (lecteur)
Odile Cohen (lecteur)
Traduit du français par Héloïse Esquié
Paris : Audiolib, février 2013
19 x 14 cm
ISBN 978-2-35641-570-7
Couple fantôme
Deux lecteurs cette fois. Odile et Julien. Une femme et un homme pour interpréter Amy et Nick. Un couple. Ou presque. Sur les bords du Mississipi. Nick se verrait bien finir en old man river. Jusqu'au jour où Amy disparaît. Amy, la jolie femme de son foyer. De ce foyer ravagé au retour de son travail. Saccagé. L'enquête commence. Ouvre une vraie boîte de Pandore. Leur vie se conjuguait mal, finalement. Encore que. Dès l'incipit, le ton est donné. Nick parle d'Amy. Avant même que nous la sachions disparue, elle n'existe plus dans son récit que sous la forme d'un squelette. L'incipit est effarant, littéralement clinique. Nick parle du crâne d'Amy. Avec un rien de théâtralité, renversant l'interrogation d'Hamlet : qui était-elle ? Déjà dans son discours elle n'est plus que ce crâne qu'il tourne dans sa main, examine dans un long monologue qui relève de la description shakespearienne, tel Hamlet tenant dans sa main le crâne de Yorick : "Alas, poor Yorick"... Ici pendaient ces lèvres que j'ai embrassées...
Nick, non pas effondré mais paisible, dans l'interprétation détendue, légère, qu'en donne Julien Chatelet, gommant l'angoisse pour recréer cette atmosphère si singulière du roman. Lecture plus badine encore dans l'interprétation d'Odile Cohen, donnant lecture du journal d'Amy. Sincère, naïve, drôle à souhait, frivole, sinon gourmande. Odile Cohen nous régale littéralement, son texte si délicieux en bouche. Toute la noirceur du roman est gommée, l'un et l'autre lecteurs se répondant avec un même enjouement. Amy et Nick sont passés à côté l'un de l'autre. Mais délicieusement. Pour s'enfermer au bout de quelques années dans un fonctionnement démoniaque.
Angoissant, le roman ne l'est plus : avec leurs interprétations magistrales, il est passé un cran au-dessus, nous a jeté dans autre chose, un trouble mental qui devient nôtre. Au cœur d'une vie conjugale pas si ratée que cela au fond, tant l'accord de perversion est grand. Alors que la police fouille leur passé ou non, scrute avec obscénité leurs personnalités n'importe plus : Amy et Nick s'y entendent déjà bien assez en dérèglement. Le miroir était fendu depuis longtemps – dès les premières phrases du récit en fait, plantées avec subtilité dans le crâne du lecteur, s'ouvrant d'emblée au jeu diabolique des manipulations, au centre desquelles, évidemment, se voit placé le lecteur, toujours un temps de retard. Nick a-t-il mis en scène la disparition de sa femme ? Mais tout bascule bientôt. Qui est chasseur, qui est chassé ? Amy, qui aimait tant mettre en scène des chasses au trésor pour fêter leurs anniversaires de mariage ? Mais ce dernier prend des allures de Chasses du comte Zaroff. Une traque. Une vraie traque dont on découvre qu'elle l'a construite, planifiée, sur des années. La tension psychologique grandit. Un engrenage. Qui harcèle qui ? Dans ce tourbillon de mensonges, le journal intime d'Amy et les fausses confidences de Nick jettent le trouble. Mental. Qui croire ? Chacun se livre en se soustrayant. La fourberie est à l'ouvrage. Qui nous perd dans l'entrelacs de deux perversités qui ont fini par s'entendre, dans ces superbes interprétations de Julien Chatelet et d'Odile Cohen, théâtralisant parfaitement l'engrenage psychotique du récit.
NdR - 2 CD MP3, 18 heures d'acoute.
Récompenses :
Grand Prix des Lectrices de "Elle" Policier 2013
Citation
Quand je pense à ma femme, je pense à son crâne. A la forme de son crâne.