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Grand format
Réédition
Tout public
François Montagut (lecteur)
Traduit du français par Nadine Gassie
Paris : Audiolib, mai 2013
19 x 14 cm
ISBN 978-2-35641-593-6
Kennedy, le retour
Jake, professeur d'anglais de lycée, accepte de remonter le temps pour empêcher Lee Harvey Oswald d'assassiner JFK. Le voici en 1958, parcourant le rêve américain. Jake mesure ce qui nous en sépare : le formidable optimisme, l'enthousiasme débordant, frénétique, toute cette culture qui va bientôt être celle du monde contemporain avant de s'éteindre dans l'illusion du progrès consumériste. L'immense énergie des sixties le sidère. Il n'y a pas cette solitude, ces égoïsmes retranchés les uns des autres, l'égotisme de ce triste XXIe siècle. C'est une Amérique prodigieuse qui déferle et dont il n'oublie même pas ses monstruosités politiques dans une vision qui n'est pas sans rappeler celle d'un Antelme décrivant les fosses d'aisance des camps de concentration – ici les cabinets réservés aux gens de couleur, quelque part en pleine nature, une planche jetée au-dessus d'un ruisseau au bout d'un long sentier semé de broussailles vénéneuses. L'Amérique du KKK, des enfants noirs jetés dans le vide, l'Amérique des haines démesurées. L'Hubris des grecs en somme, cette démesure qui soudain s'empara de l'Amérique dans les années 1950-1960, cette frénésie qui la saisit au corps, emportant le vieux monde sur son passage.
C'est cette Amérique impulsive, brutale, violente sinon hystérique, que Stephen King fait surgir. Une Amérique saisie à la gorge par sa propre énergie, sauvage, lancée à l'assaut du monde, bousculant tout et cherchant partout à imposer sa marque. Une Amérique insatiable mais déchirée, prenant le Monde pour destin, saisit par sa beauté tout comme Stephen King l'est de la force de son art. Énumérant, observant, montrant – oh ! Ces énumérations à la Perec, son "j'ai vu" récapitulant tout ce que le monde peut offrir de réalité !
Un art conscient de sa force donc, opposant à la démesure de cette Amérique surpuissante l'étonnant roman d'amour qu'il a fini par écrire. Dans une narration rudimentaire, de pure dénotation, portée par le simple plaisir de conter encore une histoire ou deux, jouant du détail pour mieux emporter la conviction. Oswald à la descente de son avion, cet infime soupçon de sourire à ses lèvres. vingt-deux ans. Si jeune. Lee et Marina, sa femme, un jeune couple désorienté, Marina si belle, vaguement mélancolique avec ses yeux somptueux. Lee presque beau, tout juste le type du Marine gueulant contre sa femme, la cognant et l'aimant, allez savoir comment. Tandis que le narrateur tombe éperdument amoureux d'une femme d'un autre siècle. Madison en transe, tout le vocabulaire de l'époque traversant de part en part une société qui ne cesse de courir après son rêve.
Quelle troublante galerie de portraits que celle de cette Amérique plus vivante que celle d'aujourd'hui. Stephen King a scruté dans le détail de fillettes sautant à la corde ce ralenti où tout aurait pu s'ancrer. Mais non. Le passé est têtu, ne veut ni être changé ni revenir. On ne peut que le convoquer dans cette langue pour le coup parfaitement en accord avec le projet de remonter le temps, le narrateur en planque servi par le talent d'un comédien dont la lecture est vive, alerte, au plus près du texte et de ses personnages, humaine, infiniment.
NdR- 3 CD MP3, 36 h 02 d'écoute.
Citation
Dehors, je me suis arrêté une minute pour regarder le nain de jardin au drapeau à l'étoile solitaire avant de descendre l'allée vers ma voiture.