Grossir le ciel

- Je ne veux pas vous retrouver saoul au milieu de quatre femme sans défense. - Si je ne me saoule pas au milieu de ces femmes, c'est moi qui vais perdre la tête.
Glendon Swarthout - Homesman
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samedi 23 novembre

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Roman - Noir

Grossir le ciel

Ethnologique - Social - Crépusculaire MAJ lundi 13 avril 2015

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 16,9 €

Franck Bouysse
Paris : La Manufacture de livres, octobre 2014
198 p. ; 23 x 14 cm
ISBN 978-2-35887-078-8

Actualités

  • 14/03 Prix littéraire: Sélection 2016 du Prix du Polar Sud-Ouest/Lire en poche
  • 27/06 Prix littéraire: Sélection 2015 du Prix Polar Michel Lebrun
  • 12/06 Prix littéraire: Sélections 2015 des Trophées 813
    Si l'on se réfère à la lettre des adhérents de l'association "813 : les Amis des Littératures Policières" en date du 15 juin 2015, le premier tour du scrutin des "Trophées" a vu la participation de cent onze membres qui ont ainsi plébiscité 102 romans francophones, 123 romans étrangers, 53 bandes dessinées et 36 propositions pour le Prix Maurice Renault. La tradition veut que les cinq ouvrages les plus sollicités dans chaque catégorie participent à une ultime sélection de départage. Cette année, le Prix Maurice Renault doit composer avec six propositions (dont trois blogs, ce qui ne manquera pas du susciter le débat lors de la prochaine assemblée générale car si l'on admet les publications électroniques donc interactives, se posera nécessairement la question du multimédia comme les radios) car deux cinquième ex æquo complètent la sélection, et c'est sûrement lui le plus à suivre. Les autres sélections, qui sont bien plus "usuelles" dans le paysage littéraire, ont en leur sein de nombreux ouvrages qui ont déjà été ou sélectionnés ou primés, et sont donc nettement plus classiques, mais non moins qualitatives. Les adhérents de 813 ont jusqu'au samedi 19 septembre 2015 pour déposer leurs votes. L'annonce des lauréats aura elle lieu le dimanche 4 octobre 2015 pendant le Festival du polar de Villeneuve lez Avignon.

    Sélection 2015 du "Trophée du roman francophone ou recueil de nouvelles" :
    - Grossir le ciel, de Franck Bouysse (La Manufacture de livres) ;
    - Après la guerre, de Hervé Le Corre (Rivages, "Thriller") ;
    - L'Ange gardien, de Jérôme Leroy (Gallimard, "Série noire") ;
    - Aux animaux la guerre, de Nicolas Mathieu (Actes Sud, "Actes noirs") ;
    - Des forêts et des âmes, de Éléna Piacentini (Au-delà du raisonnable).

    Sélection 2015 du "Trophée Michel Witta-roman étranger ou recueil de nouvelles étrangères" :
    - 911, de Shannon Burke (Sonatine) ;
    - L'Île du serment, de Peter May (Le Rouergue, "Rouergue noir") ;
    - Kobra, de Deon Meyer (Le Seuil, "Seuil policiers") ;
    - Hérétiques, de Leonardo Padura (Métailié) ;
    - Une terre d'ombre, de Ron Rash (Le Seuil, "Cadre vert").

    Sélection 2015 du "Trophée Maurice Renault" (essai, étude, article de presse, magazine, Internet...) :
    - Krimi : une anthologie du récit policier sous le Troisième Reich, textes choisis, présentés et traduits de l'allemand par Vincent Platini (Anacharsis, "Fictions") ;
    - Carnet de la Noir'Rôde ;
    - La Tête en noir ;
    - Blog Action-Suspense, de Claude Le Nocher ;
    - Blog Actu du noir, de Jean-Marc Laherrère ;
    - Blog Les Lectures de l'Oncle Paul, de Paul Maugendre.

    Sélection 2015 du "Trophée de la bande dessinée" :
    - Bonbons atomiques, d'Anthony Pastor (Actes Sud-L'An 2) ;
    - Maggy Garrisson. 1, Fais un sourire, Maggy, de Lewis Trondheim & Stéphane Oiry (Dupuis, "Grand public") ;
    - Moi, assassin, d'Antonio Altarriba & Keko (Denoël Graphic) ;
    - Parker. Fun Island, de Richard Stark & Darwyne Cooke (Dargaud) ;
    - Petites coupures à Shioguni, de Florent Chavouet (Philippe Picquier).
    Liens : Après la guerre |Aux animaux la guerre |911 |Kobra |Bonbons atomiques |Moi, assassin |Parker : Fun Island |Des forêts et des âmes |L'Île du serment |Franck Bouysse |Hervé Le Corre |Éléna Piacentini |Jérôme Leroy |Peter May |Deon Meyer |Leonardo Padura |Ron Rash |Anthony Pastor |Richard Stark |Darwyn Cooke |813 |Carnet de la Noir'Rôde | La Tête en noir | Festival du polar de Villeneuve lez Avignon

Les pieds dans la glaise et la tête haute

Que pourrait-il y avoir de plus banal que le cadre général de ce roman ? Un village perdu, des fermes isolées, un vieux paysan qui vit tout seul, avec pour unique compagnon un chien. Un peu plus loin, un autre paysan, lui aussi solitaire. Le travail routinier de la ferme, les allers-retours au village pour acheter les rares denrées que l'on ne peut pas produire soi-même, le rythme des saisons, les balades, fusil en main (des fois qu'un oiseau viendrait à passer), quand il n'y a rien de plus important à faire. Franck Bouysse excelle dans ce quotidien, dans cette description méticuleuse, fine, imagée et ciselée comme les souvenirs des plus anciens d'entre nous, qui ont encore vécu cet univers ou se sont gavés des trois volets de Raymond Depardon, Profils paysans. Un monde rude apparaît sous nos yeux, fait de non-dits, de crimes enfouis, de violence retenue ou détournée (comme cette scène hallucinatoire où le personnage central regarde sa mère se suicider sans intervenir), où chacun sait que, derrière un dialogue anodin, se terre une peur ou une envie de meurtre. En arrière-plan, un janvier froid, des paysages blanchis où éclate encore plus la solitude.
Comme les personnages sont des taiseux, l'intrigue l'est aussi, et avec une grande justesse. Quelques éléments, des indices, des éclats de lumière et d'informations, comme autant de coups de fusil, troublent le silence cévenol. Des morceaux de concret qui semblent parfois à la limite du surréalisme : des témoins de Jéhovah, qui sillonnent la région, on ne sait trop pourquoi, espèces de corbeaux noirs annonçant un malheur à venir. On croise un voisin qui sympathise plus qu'à l'accoutumée, un riche propriétaire qui entend agrandir sa surface agricole, un banquier trop affable, un maire débordé, des gens qui se saoulent parce qu'après tout que faire d'autre ?, un chien que l'on essaie de tuer. Au centre de cette histoire, Gus sait bien que son univers s'achève, que ce monde millénaire s'est effrité et qu'il disparaît sous les coups de butoir de la modernité. Il sait aussi qu'il ne faudrait pas idéaliser ce passé (d'ailleurs les rares retours en arrière sur sa vie d'avant ne sont pas des moments de grande délicatesse), que toute armature est aussi un carcan. Il continue opiniâtre à reconstruire ses clôtures, à effectuer toujours les mêmes gestes, sous le regard de son seul ami, sans doute, qui tourne autour de lui en aboyant.
Avec tendresse et intelligence, Franck Bouysse reste là à l'observer, à disséquer ses gestes, à tenter de rendre ses pensées, à restituer l'univers d'un des derniers "indigènes", pris dans une situation de roman noir qui le dépasse et dont il ne comprend pas tout. Il poursuit, de son écriture qui sait aller du détail le plus infime à l'universel, sa description des "gens de peu" pour devenir un de ses écrivains discrets dont les amateurs se transmettent le nom, et dont les ouvrages embellissent la bibliothèque dans laquelle ils se trouvent.


On en parle : Carnet de la Noir'Rôde n°55

Récompenses :
Prix Polar Michel Lebrun 2015

Nominations :
Prix des lecteurs de Villeneuve lez Avignon 2015
Trophée 813 du roman francophone 2015

Citation

Il ne craindrait plus l'obscurité, le froid, la solitude, parce qu'il était lui-même devenu la nuit, le silence, la somme de tous les jours passé, et que le futur n'existerait plus jamais.

Rédacteur: Laurent Greusard jeudi 17 novembre 2016
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