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- 09/04 Prix littéraire: Sélection 2015 du Prix du Livre Inter
Qui succèdera cette année à Céline Minard et à son lumineux western Faillir être flingué (Rivages) ? La romancière française adepte des mauvais genres avait remporté la quarantième édition du Prix du Livre Inter, un prix créé en 1975 par Paul-Louis Mignon, et qui est très prescripteur. Dévoilée sur les (rares) ondes dans l'émission Boomerang d'Augustin Trapenard mercredi 8 avril, la sélection se compose de dix titres issus de huit éditeurs. Et parmi ses titres, deux au moins sont des ouvrages très k-librés. Il y a bien sûr le premier opus de Virginie Despentes, Vernon Subutex I (Grasset), miroir de l'espèce humaine dans toute sa noirceur, et aussi Tristesse de la terre : une histoire de Buffalo Bill Cody, d'Éric Vuillard (Actes Sud). Mais ce dernier, avouons-le, n'a que très peu de chance de remporter le prix. À moins que le jury présidé par le médecin, écrivain, ambassadeur et académicien Jean-Christophe Rufin, ne choisisse pour la deuxième année consécutive de récompenser un livre hommage au Grand Ouest américain. Le jury des auditeurs de France Inter composé de vingt-quatre personnes est paritaire et issu de toute la France. Il se réunira le 7 juin pour décider du sort de cette liste...
Sélection 2015 du Prix du Livre Inter :
- Dans les yeux des autres, de Geneviève Brisac (L'Olivier) ;
- Évariste, de François-Henri Désérable (Gallimard) ;
- Vernon Subutex I, de Virginie Despentes (Grasset) ;
- Échapper, de Lonel Duroy (Julliard) ;
- Gil, de Célia Houdart (P.O.L.) ;
- L'Écrivain national, de Serge Joncour ( Flammarion) ;
- Les Événements, de Jean Rolin (P.O.L.) ;
- Tristesse de la terre : une histoire de Buffalo Bill Cody, d'Éric Vuillard (Actes Sud) ;
- Jacob, Jacob, de Valérie Zenatti (L'Olivier).
Le journal de 8 heures de France Inter a annoncé lundi 8 juin le nom de la lauréate du Prix Inter. Il aura fallu trois tours de scrutin pour que les jurés choisissent de récompenser Valérie Zenatti avec Jacob, Jacob (L'Olivier).
Liens : Faillir être flingué |Tristesse de la terre : une histoire de Buffalo Bill Cody |Virginie Despentes |Céline Minard
Les enfants du rock
Vernon Subutex est disquaire à Paris dans son magasin à l'enseigne du Revolver. Enfin non : disquaire, il ne l'est plus. Le magasin a fermé alors qu'il n'a que quarante piges, et qu'il se retrouve désormais au chômage sans aucune indemnités. Les enfants du rock se sont pris la dure réalité libérale dans les dents. Vernon a commencé par écouler son stock de vinyles. Fait quelques piges. Vendu des affiches. Maintenant il est au RSA en mode survie. Son vieux monde usé jusqu'à la corde. Puis SDF avec plus personne dans Paris sur lequel compter. Il ne reste plus rien du reste de son Paris des années punk. Alors Vernon déambule. C'est surtout l'occasion pour Virginie Despentes d'ouvrir en grand les yeux sur ce Paris d'aujourd'hui, un Paris factice, ignoble, indifférent et riche. Sur les basques de Vernon, des types, des sales types en fait, qui veulent mettre la main sur des enregistrements inédits que Vernon aurait encore en sa possession. Qui ? Il n'en sait rien. Ce qu'il est à leurs yeux ? Rien. Tout ce qui a une valeur dans ce monde sans valeur se négocie, sauf l'humain, qui n'a aucune valeur.
Voilà, c'est rugueux et rêche. Une fresque sociale, a claironné la critique. Si l'on veut. Des hommes, des femmes, des bobos, des paumés. L'ubérisation de la société a sonné la charge : tous s'en tirent comme ils peuvent. Paris : une cartographie a-t-on dit aussi. Scandée par les noms des stations de métro. République : la bonne farce... Goncourt : le ridicule... Vernon rampe vers sa fin. Il finira au sol d'ailleurs, main tendue vers les Parisiens pressés. De quoi provoquer notre malaise. Voire : il ne reste pas grand-chose pour dire l'immense misère de notre monde contemporain si ce n'est de la repeindre aux couleurs d'un roman. Ah, le romanesque ! Comme une défaite supplémentaire. Celle du roman dans la société française. Car à quoi bon un roman pour dire ces choses-là ? Le romanesque donc, toute honte bue, pastichant ici le polar. C'est bien vu. Alors bien sûr c'est drôle et c'est violent. C'est aussi un livre "maîtrisé" et "ambitieux" dans sa traversée des classes sociales, mais qui n'ouvre à rien de décisif. Quelle fonction sociale resterait-il au roman ? C'est peut-être dans cette interrogation qu'il faut chercher à débusquer la profondeur à l'entreprise : pastiche du polar, il interroge le genre, depuis qu'il n'est plus un "mauvais genre". Qu'est-ce qui justifie le polar aujourd'hui ? Roman de la fin d'une aventure, peut-être du vide dans lequel se maintient, à force d'adresse, l'art français du roman...
Reste cette atmosphère dépressive du livre et de la ville où tout se voit rapporté au même. Un livre passif, au fond, à l'image de son personnage central, ange déchu de la planète Saint-Michel. Le livre de la disparition élégante d'une génération qui nous aura embarqués dans ses sales fondrières. Mais lu d'une voix très intérieure par Jacques Frantz, comme enfermée sur elle-même, verrouillée dans son for intérieur, comme un soliloque immense malgré la variété des personnages et l'effort de les incarner tous. Lu d'une voix qui révèle le fond du roman, son horizon d'attente, ce "dont acte" déprimant. Lecture presque "pour soi", chacun pour soi, de coin de bar, de fin de nuit, une clope au bec devant un verre de whisky. C'est tellement juste et tellement surprenant, cette lecture qui révèle le livre à lui-même et nous invite à mieux réfléchir sur le destin de la littérature, aujourd'hui en France...
Ndr - 1 CD MP3, 11 h 09 d'écoute.
Citation
Pendant plus de vingt ans, qu'il vente ou qu'il ait la crève, il avait monté le putain de rideau de fer de sa boutique, coûte que coûte, six jours par semaine.