Vacher l'éventreur : archives d'un tueur en série

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Essai - Policier

Vacher l'éventreur : archives d'un tueur en série

Historique - Tueur en série - Faits divers MAJ jeudi 21 novembre 2019

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Public connaisseur

Prix: 29 €

Marc Renneville
Grenoble : Jérôme Millon, novembre 2019
678 p. ; illustrations en noir & blanc ; 24 x 16 cm
ISBN 978-2-84137-369-7
Coll. "Mémoires du corps"

La bible du serial killer à la française

Après la parution cette année de son ouvrage Le Procès de Joseph Vacher chroniqué en ces pages, voici que l'historien et chercheur Marc Renneville sort son deuxième volet beaucoup plus conséquent consacré aux archives de cette affaire hors norme. Avec près de sept cents pages de documentation, le lecteur est invité à suivre le parcours détaillé de Joseph Vacher né en 1869 et guillotiné en 1898 : naissance, enfance, adolescence, entrée chez les Pères maristes, novice, puis soldat, avant d'être interné après une tentative de meurtre et de suicide auprès d'une jeune fille qu'il aimait (1893). Soit disant guéri après un deuxième internement, il est réformé, devient ouvrier, puis chemineau et vagabond couvrant des distances considérables à travers les départements. Son premier meurtre sadique daterait de 1894. Vacher ne fut jugé que pour un meurtre alors qu'il en avait avoué onze. "Le juge considérait que, parmi les 86 crimes qu'il avait eu à examiner, il y en avait pas moins de 15 qui pouvaient être attribués, 'les uns avec une quasi-certitude, les autres avec beaucoup de vraisemblance', à Vacher." L'auteur s'attache aussi à nous présenter, en parallèle, la vie du juge d'instruction Émile Fourquet. Ce juge mettra en œuvre des techniques de recoupement (descriptifs du suspect et ceux de ses crimes) en une sorte de préfiguration du profilage. Par des commissions rogatoires diffusées auprès des autres juridictions que Vacher traversait au cours de ses très longs périples à pied à travers tout le pays, et grâce à la cartographie des déplacements (incroyables reproductions en couleurs à la fin de l'ouvrage), le juge parviendra à regrouper meurtres, dates et déplacements. Enfin arrêté par des témoins lors d'une tentative de meurtre, Vacher nie d'abord être le tueur de bergers puis, dans un sursaut étonnant, avoue en envoyant une lettre au juge (reproduction photographique dans le livre). Car Vacher a senti le vent venir. Il bâtit alors sa défense sur la folie qui, si elle est reconnue, lui épargnera la guillotine. N'a-t-il pas été relâché d'instituts psychiatriques avec certificat de guérison ? Certains experts en verront la preuve de la simulation tout comme les juges qui ne veulent pas que ce coupable leur échappe. Il a pourtant deux balles installées dans sa tête depuis son suicide raté. La vie, les crimes, le procès de ce serial killer à la française (éclatement de l'espace, victimes inconnues de l'assassin, constance des techniques d'attaques, de meurtre et de viol) font les choux gras de la presse. Il n'y a pas de secret d'instruction. Le juge et les journalistes partagent les informations et les photographies. Vacher n'est pas en reste : il écrit des pages et des pages reprises elles aussi dans la presse...
Grâce à des parties et chapitres soigneusement titrés, Marc Renneville s'attache, dans une partie de près de cent cinquante pages intitulée "L'Enquête par l'archive" à dresser une chronologie du 8 septembre 1862 (naissance du juge Fourquet) au 22 avril 1899 (vente des Domaines d'objets divers dont les effets de Vacher provenant du greffe du tribunal de Belley). Il pointe les moments clé en citant les lettres, commentaires et interrogatoires. Après un chapitre consacré aux lettres de défense écrites par Vacher lui-même, Marc Renneville réédite dans une version corrigée et commentée, le célèbre livre d'Alexandre Lacassagne Vacher l'éventreur et les crimes sadiques (1899). Ce livre dans le livre appartient au domaine public. Il occupe près de la moitié de l'ouvrage. Vu son importance, sans doute aurait-il fallu l'annoncer en titre et en quatrième de couverture. En tout cas, il s'agit bien d'archives sur Vacher. Le docteur a publié très rapidement son livre après l'exécution, cela donne pour l'amateur un regard intéressant sur les connaissances médico-légales de l'époque. Outre ses rapports d'expertise, Lacassagne a fait insérer plusieurs figures simples représentant les cadavres. Et cela est beaucoup plus affreux que les gravures mélodramatiques des journaux car on y voit la sauvagerie de Vacher. Plusieurs collaborateurs de Lacassagne ont ajouté des textes annexes sur les tueurs sadiques et le vagabondage là encore intéressants pour leur ancrage dans l'époque.
En sus de cette somme incroyable d'archives, Marc Renneville s'attache ensuite au recueil de toutes les complaintes populaires inspirées par Vacher et publiées souvent dans les journaux. Il achève sa somme par un cahier photographique sidérant (photos, gravures, journaux, lettres et même la reproduction couleur de la radiographie du crâne de Vacher prise dans la prison sur sa tête coupée !). Un chapitre fourni sur Le Juge et l'Assassin, film tiré de cette affaire, et une interview du réalisateur Bertrand Tavernier concluent cette bible tout à fait étonnante dans le paysage éditorial français actuel.

Citation

En échec dans la vie religieuse, à l'armée, dans son projet de mariage, dans ses emplois, ayant échappé à la mort comme par miracle à plusieurs reprises, Vacher se raccroche aux idées anarchiques et à cette providence qui semble le protéger lorsqu'il se retrouve dans une situation de danger mortel ou qu'il rencontre des gendarmes qui sont à sa recherche, porteurs de son signalement, et ne le reconnaissent pas (pièce 604).

Rédacteur: Michel Amelin jeudi 21 novembre 2019
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