Contenu
Poche
Réédition
Public connaisseur
Traduit de l'anglais (Canada) par Sylvie Schneiter
Paris : 10-18, juin 2010
544 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-264-05042-7
Coll. "Grands détectives", 4346
Actualités
- 03/07 Édition: Parutions de la semaine - 3 juillet
C'est l'été et les éditeurs ne sont pas friands de nouvelles parutions privilégiant les éditions poche et préparant la rentrée littéraire de septembre, première du nom. Ainsi dans cette dépêche ne trouverez-vous pas grand-chose et pourtant... L'été semble devoir être placé sous le signe de l'espionnage façon Patrick de Friberg. En attendant les deux volets d'une "traduction" chez In Octavo de romans "non fiction" de "John Barnett" (vous remarquerez en l'absence des couvertures chatoyantes très passéistes assumées le nombre impressionnant de guillemets), voici Monsieur Jour, deuxième enquête de François Carignac (Nouveau monde) après une première aventure parue le mois dernier. L'homme fait concurrence à James Patterson (qui pourtant se bat encore cette semaine) avec quatre romans parus coup sur coup sur coup sur coup. Nous vous parlerons de tous ces romans très bientôt. En attendant... Faites votre choix !
Fictions adulte grand format :
Confession d'outre-tombe, de Martine Bégné (Ipagination, "Policier")
Une chapelle sous la pluie, de Jean-François Berson (Nouveaux auteurs)
La Légion perdue, de Paul Christopher (Le Cherche midi, "Thrillers. La Légende des Templiers")
Vengeance par procuration, de Mary Jane Clark (Archipel, "Les Maîtres du suspense")
Replay : une nouvelle aventure d'Albo : roman policier mais pas que..., de Jean-Luc Cochet (Lajouanie)
Du sang dans les embruns, de Claude Depyl (TDO, "Polars du Sud")
Les Enfants perdus de Saint- Félix, de Yves Desmazes (TDO, "Polars du Sud")
Monsieur Jour : une enquête de François Carignac, de Patrick de Friberg (Nouveau monde, "Roman d'espionnage")
Derrière les grilles, de Samuel Gance (Ex æquo, "Rouge")
Au bout du compte, de Hervé Huguen (Sixto, "Le Cercle")
Le Feu et la pluie, de Claude Iconomou (Sudarènes)
Reviens Anaïs !, de Laurent Maillard (Les Contrebandiers, "Petite noire")
Le Choc de Carnac, de Sophie Marvaud (Nouveau monde/Le Patrimoine, "Crimes et monuments")
Les Diables du Mont-Saint- Michel, de Claude Merle (Nouveau monde/Le Patrimoine, "Crimes et monuments")
Qui a voulu la peau d'Annie Jamin ?, de Norbert Multeau (Atelier Fol'fer, "Impertinences")
L'Heure de la vengeance, de Joëlle Ortega-Valverde (Tango nuevo, "Je vous salue mon père : une enquête de la détective Rose-Marie Cassandre")
Une nuit de trop, de James Patterson (Retrouvées)
Addiction au crime ; Perfidie du crime, de Nora Roberts (J'ai lu, "Semi-poche. Suspense. Lieutenant Eve Dallas")
Angel rock, de Bernard Vitiello (Le Horsain)
Fictions adulte poche :
Du 357 dans le shaker, de Denis Albot (Ravet-Anceau, "Polars en Nord")
Irréversible, de Christophe Arneau (Ravet-Anceau, "Polars en Nord")
L'Affaire du tarot, de Pieter Aspe (Le Livre de poche, "Policier. Une enquête du commissaire Van In")
Ne crains pas la faucheuse, d'Alexis Aubenque (J'ai lu, "Thriller")
Mort sur la Tamise, de Deborah Crombie (Le Livre de poche, "Thriller")
C'est une lampe qui s'éteint, d'Alain Fabre (Ravet-Anceau, "Polars en Nord")
Nous ne sommes qu'ombre et poussière, de Lyndsay Faye (Pocket, "Best")
Malefica. 2, La Voie royale, de Hervé Gagnon (Pocket, "Best")
Requiem à Donibane, de Jacques Garay (Cairn, "Du noir au Sud")
Derrière les portes, de Sylvie Gibert (De Borée, "Terre de poche")
La Maison de fer, de John Hart (Le Livre de poche, "Thriller")
L'Obscure sirène de l'Elorn : Landerneau-Brest, de Gérard-Henri Hervé (Astoure, "Breizh noir. Clet Kermeur et Alison Wealow")
L'Été des jouets morts, de Toni Hill (J'ai lu, "Thriller")
Freezing, de Clea Koff (Le Livre de poche, "Thriller")
Attaque sur la capitale, de Firmin Le Bourhis (Le Palémon, "Menaces")
La Vie est un tango, de Lorenzo Lunar Cardedo (Folio, "Policier")
L'Agence n°1 des dames détectives : les trois premières enquêtes de Mma Ramotswe, de Alexander McCall Smith (10-18, "Grands détectives")
Moi, Alex Cross, de James Patterson (Le Livre de poche, "Thriller")
Séduction, de Karin Slaughter (Le Livre de poche, "Thriller")
Rédemption fatale, d'Emmanuel Varle (Les Presses littéraires, "Crimes et châtiments")
Un flic ne dort jamais, de Luc Watteau (Ravet-Anceau, "Polars en Nord")
Le Cabinet chinois, de Patricia Wentworth (10-18, "Grands détectives")
Romans & nouvelles étrangers :
Courir sur la faille, de Naomi Benaron (10-18, "Littérature étrangère")
Le Jeu des sensations, de Indigo Bloome (City, "Poche")
Le Printemps de Kasper Meier, de Ben Fergusson (Marabout, "MaraBooks")
Retour indésirable, de Charles Lewinsky (Le Livre de poche)
Mélodie du temps ordinaire, de Mary McGarry Morris (Belfond, "Littérature étrangère")
Le Sang des Borgia, de Mario Puzo (Archipoche, "Archipoche")
La Symphonie de Leningrad, de Sarah Quigley (Gallimard, "Folio")
Charleston, d'Alexandra Ripley (Archipoche, "Les Inoubliables")
Dominion, de C. J. Sansom (Pocket, "Best")
Romans & nouvelles français :
Étrange étranger : nouvelles pour la Cimade, sous la direction de Patrick Mosconi (La Manufacture de livres)
L'Espion du jour J, de Frédéric Leterreux (OREP)
L'Étoile de Bombay, de Christophe Masson (Revoir)
Bandes dessinées :
Casanova au service de l'EMPIRE. 3, Avaritia, de Matt Fraction & Gabriel Bâ (Urban comics, "Urban indies")
Geoff Johns présente Superman. 6, Origines secrètes, de Geoff Johns & Gary Frank (Urban comics, "DC signatures")
Shelley : après l'autruche tournez à droite, de Johann G. Louis (Pélimantin)
Ultimate Spider-Man. 2, Nouvelles du monde souterrain, de Marvel studios (Panini Kids, "Marvel")
Witchfinder. 3, Les Mystères d'Unland, de Mike Mignola, Kim Newman & Maura McHugh (Delcourt, "Contrebande")
Daredevil. 3, de Frank Miller, Roger Mackenzie & Dennis O'Neil (Panini comics, "Marvel icons")
Catwoman. 5, Course de haut vol, de Ann Nocenti & Patrick Olliffe (Urban comics, "DC renaissance")
Il y a un nouveau shérif en ville, de Simon Perdrix & Jeremy Groffod (Yanouch Industrie Lourde)
Le Procès Carlton, de Pascale Robert-Diard & François Boucq (Le Lombard)
Batman. 6, Passé, présent, futur, de Scott Snyder (Urban comics, "DC renaissance")
Comic strips : les origines du Chat Rose, de Jérémy Taburchi (Baie des anges)
Moon Knight. 2, de Brian Wood, Greg Smallwod & Giuseppe Camuncoli (Panini comics, "Marvel now ! All- new")
Mangas :
Resident evil : heavenly island, firme Capcorn (Kurokawa)
Prison school. 5, de Akira Hiramoto (Soleil, "Soleil manga")
Lesson of the Evil 1, de Eiji Karasuyama (Kana, "Big Kana")
Lesson of the Evil 2, de Eiji Karasuyama (Kana, "Big Kana")
Double je. 3, de Reiko Momochi (Akata)
Gokusen. 12, de Kozueko Morimoto (Kaze Manga, "Seinen")
Les Quatre filles du docteur March, de Nev (Nobi Nobi, "Les Classiques en manga")
Dramatical murder. 1, de Nitro + Chiral (Taifu comics, "Taifu shonen")
Dramatical murder. 2, de Nitro + Chiral (Taifu comics, "Taifu shonen")
Innocent. 3, de Shin'ichi Sakamoto (Delcourt, "Seinen")
Prisonnier Riku. 10, Loyauté, de Shinobu Seguchi (Akata)
Kill la kill. 2, de Trigger, Kazuki Nakashima & Ryo Akizuki (Kana)
Master Keaton. 11, de Naoki Urasawa & Hokusei Katsushika (Kana, "Big Kana")
Littérature de jeunesse (documentaires) :
Charles de Gaulle : l'insoumis, 1940-1945, de Céline André-Toti (Oskar, "Histoire & société. Résistances et résistants")
Littérature de jeunesse (éveil) :
Le Voleur de cadeaux, de Bénédicte Carboneill & Valérie Weishar- Giuliani (Le Pas de l'échelle)
Sam le pompier. Mission en mer (Hachette Jeunesse, "Sam le pompier")
Sam le pompier. Sam à la rescousse (Hachette Jeunesse, "Sam le pompier")
Fictions jeunesse :
Le Cambriolage, d'Olivier Dupin (Les Minots, "Enquête à la Tourmaline")
Casse-tête anglais, d'Olivier Dupin (Les Minots, "Enquête à la Tourmaline")
Le Fantôme de la rue Rouge, d'Olivier Dupin (Les Minots, "Enquête à la Tourmaline")
Qui a tué Renata ?, de Naïk Feillet (Oskar, "Premiers romans")
Le Gang de Sébasto : chantage à la lilloise, de Josette Wouters (Ravet-Anceau, "Polars en Nord junior")
Cinéma, télévision & radio :
Le Monde des Tontons flingueurs et l'univers de Michel Audiard : petit dictionnaire façon puzzle, de Marc Lemonier (City)
Littérature (théorie & études) :
1914-1918 : Jacques Rivière, André Gide, Alain-Fournier : trois écrivains dans la guerre, trois amis de Saint-John Perse, de Jean-Pierre Prévost (Orizons, "Rencontres")
Roland Dorgelès : combattant, journaliste, écrivain, de Claude-Catherine Ragache (Économica, "Guerre & guerriers")
Hawthorne, d'Antoine Traisnel (Aux forges de Vulcain, "Sciences")
Biographies & généalogie :
Le Génie d'un aérostier : Jean Poletti, 1914-1919, de Jean Poletti (Presses du Midi)
Carnets et lettres de guerre : campagnes d'Italie, de Provence et des Vosges, janvier-novembre 1914, de Jean Vaugien & Jean Albouy (Lavauzelle)
Criminologie & prisons :
Humaniser la peine ? : enquête en maison d'arrêt, de Yasmine Bouagga (Presses universitaires de Rennes, "Le Sens social")
Confession d'un braqueur : casse de Nice, vol de 119 Picasso, banques, fourgons postaux..., de Didier Caulier (Nouveau monde, "Document. Nouveau monde poche")
La Mort n'est pas un jeu : hold-up meurtrier au Club Méditerranée de Corfou, d'Emmanuel Farrugia (Auteurs d'aujourd'hui, "Témoignage")
Les Grands parrains de la mafia qui ont fait trembler les États, de Vincenzo Galente (Pages ouvertes)
Le Ciel nous appartient, de Brendan I. Koerner (Le Livre de poche, "Thriller")
Grands crimes médiévaux : revivre les assassinats politiques majeurs, entrer dans l'univers des criminels, écrire une fiction policière, de Josy Marty-Dufaut (Autre temps, "Tout savoir sur le Moyen Âge")
Le Dépeceur de Mons, de Wesley Muyldermabs (La Boîte à Pandore)
Criminalité économique et financière : à l'ère numérique, de Myriam Quéméner (Économica, "Pratique du droit")
Dossiers criminels : quand la science identifie le coupable, de John Right (Pages ouvertes)
Naissance de la contrainte pénale : sanctionner sans emprisonner. 1, Genèse, de Pierre Tournier (L'Harmattan, "Criminologie")
Naissance de la contrainte pénale : sanctionner sans emprisonner. 2, Archives, de Pierre Tournier (L'Harmattan, "Criminologie")
Problèmes sociaux & sécurité publique :
Formez les sapeurs-pompiers au retour d'intervention : la méthode, de Nicolas Goudenove (Le Papyrus, "Sapeurs-pompiers")
Histoire de France :
Autour de la figure de Jean Moulin : héros et résistances, sous la direction de Jean Sagnes & Bernard Salques (Le Mont)
Histoire de l'Europe :
Les Forêts de la Grande Guerre : histoire, mémoire, patrimoine, de Jean-Paul Amat (Presses de l'université Paris-Sorbonne, "Géographie")
Utah Beach : 6 juin 1944, de Joseph Balkoski (Histoire et collections, "Récits")
Croisade en Europe : mémoires sur la Deuxième Guerre mondiale, de Dwight David Eisenhower (Nouveau monde, "Histoire. Nouveau monde poche")
Margarete Buber-Neumann : du goulag à Ravensbrück, de René Lévy (L'Harmattan)
L'Ossuaire de Douaumont : cathédrale de la Grande Guerre, collectif (S. Domini)
Les Fiascos militaires de la Seconde Guerre mondiale, de Laurent Tirone (Ixelles)
Histoire des autres continents :
George Washington : fondateur de la République des États-Unis, de Jacques Fernay (Olivier-Triau)
George Washington, l'homme qui ne voulait pas être roi, de Jean-Marie Rallet (Ellipses, "Biographies et mythes historiques")
Régionalisme :
Être Juif sous l'Occupation en Côte-d'Or et en Bourgogne, d'Alain Belassène (L'Escargot savant)
Quand la guerre est un jeu d'enfants, de Georges Rémond (L'Armençon)
Sciences militaires :
Histoires extraordinaires de la guerre aérienne : 1939-1945, de Dominique Lormier (JPO, "Histoires authentiques")
Liens : Malefica. 2, La Voie royale |Freezing |La Vie est un tango |L'Agence n°1 des dames détectives |Moi, Alex Cross |Au bout du compte |Reviens Anaïs ! |Ne crains pas la faucheuse |Vengeance par procuration |Monsieur Jour |Rédemption fatale |Patrick de Friberg |Samuel Gance |Claude Iconomou |Laurent Maillard |Claude Merle |James Patterson |Bernard Vitiello |Pieter Aspe |Deborah Crombie |Alain Fabre |Jacques Garay |John Hart |Clea Koff |Lorenzo Lunar |Alexander McCall Smith |Patrick Mosconi |François Boucq |Josette Wouters - 11/06 Édition: Parutions de la semaine - 11 juin
Analyser l'analyse
Curieuse coïncidence
Au moment où Michel Onfray publie son brûlot contre Freud et que la Société freudienne s'apprête à y répondre, voilà que 10-18 édite Séduction en poche, étrange roman policier de la canadienne Catherine Gildiner paru chez Knopf Canada en 2005 et traduit et publié chez Lattès en grand format en 2008. Il s'agit d'un épais volume de plus de cinq cents pages que l'auteur a mis près de dix ans à écrire, ceci vingt-cinq ans après la rédaction d'une thèse de doctorat dont le sujet pointu était "l'influence de Darwin sur Freud" et qui nécessita, là aussi, dix ans de travail entre 1960 et 1970. Catherine Gildiner, qui est psychologue et vit à Toronto, est donc une femme qui aime prendre son temps. Mais quelle est donc cette œuvre foisonnante issue de telles recherches ?
J'ai tué mon mari
L'héroïne narratrice s'appelle Kate Fitzgerald. Issue d'un milieu aisé, elle a pété les plombs en accompagnant son mari devenu médecin généraliste stressé chez les Inuits. Résultat, elle l'a assassiné et s'est retrouvée dans une prison au bord du cercle polaire d'où elle regarde les ours blancs glisser sur la banquise. Incarcérée pendant neuf ans, elle va tomber par hasard sur l'œuvre complète de Freud qu'elle dévore et étudie au point d'en devenir l'une des spécialistes mondiales ! Le Dr Gardonne, son psy de prison, va lui proposer un incroyable marché : signer sa sortie conditionnelle si elle enquête sur le directeur de l'Institut freudien, le Professeur Anders Konzak, qui s'apprête à publier un document exclusif et mortel pour les théories de Freud. Pour cela, Kate Fitzgerald doit faire équipe avec Jackie Lawton, un ex-zonard devenu détective, apparemment fragile psychologiquement et violent mais plein de charme viril. Le couple fait des va-et-vient entre Toronto, Vienne et Londres, et rencontre les protagonistes du scandale annoncé : le Pr Konzak, donc, séduisant millionnaire affairiste qui achète une robe Chanel à l'héroïne pour leur premier dîner, Dvorah Little, journaliste ambitieuse, Anna Freud, fille de qui vous savez et dépositaire des archives à Londres, Bozo et son copain Le Magicien, voleurs de documents et experts en théorie freudienne, sans oublier le Dr von Enchanhauer, l'ex-directeur de l'Institut, qui cache un lourd secret que sa femme fait tout pour protéger.
Mais voilà qu'un assassin semble suivre les traces du couple enquêteur...
Structure simple pour motifs compliqués
Ce petit résumé précédent donne une fausse idée du roman rendu dense, compliqué, mais passionnant par l'exposé des théories qui s'affrontent. Ainsi, le motif principal est-il constitué de la fameuse théorie de la séduction élaborée entre 1895 et 1897. Extraits d'un dialogue entre Kate et Jakie : "Freud estimait que l'origine de l'hystérie provenait de scènes réelles de séduction dans l'enfance ou, pour reprendre le jargon actuel, qu'un enfant victime d'inceste risque de devenir hystérique [...] En 1897, Freud s'est ravisé : il ne fut plus question de pères séduisant leurs filles, mais de fixations fantasmatiques de patientes sur le père – selon ses propres mots, il était tombé sur le complexe d'Œdipe [...] Freud se doutait que s'il démasquait les pères incestueux de la bourgeoisie – dont une partie étaient les médecins qui lui adressaient des malades -, il n'aurait plus qu'à faire une croix sur sa clientèle. Or, comme il était obligé de gagner sa croûte, il a préféré laisser, d'après Konzak, les papas tripoter leurs petites filles". (p. 162).
Anna Freud en grande papesse de la défense de la mémoire et du travail de son père, va monter au créneau. Dans des dialogues prenant avec l'héroïne, elle doit aborder le fait, qu'avant de devenir psychanalyste des enfants, elle a été analysée par son père. Kate veut lui faire cracher le morceau : Anna Freud a-t-elle été manipulée par lui ? Et si la fameuse théorie ne reposait QUE sur ses fantasmes ? N'a-t-elle pas eu tous les symptômes d'un accouchement au plus fort de son analyse ? Et le Dr von Enchanhauer n'est pas net non plus. Pourquoi son visage ressemble-t-il autant à un masque ? Quelle est ce passé de camp nazi ? Et pourquoi ses enfants ne lui ressemblent-ils pas ? Quel est ce mystérieux fil rouge qui traîne le long de l'histoire avec les fameuses porcelaines de Wegwood ? Mme von Enchanhauer en est folle, tout comme Le Magicien et la narratrice. Et l'on apprend que Darwin avait justement épousé une fille Wegwood et que cette fortune lui a permis de travailler tranquillement sur sa fameuse théorie de l'évolution ! Kate Fitzgerald est à l'affût, son comparse taiseux n'en est pas moins formidable pour boucler des enquêtes parallèles et compliquées à travers le monde, ce qui permet au couple d'avancer à pas de géant vers la vérité incroyable que nous ne dévoilerons pas ici mais qui repose sur un lien fascinant entre Darwin et Freud et la culpabilité meurtrière de...
Catherine Gildiner ose tout
Dans sa très intéressante "Note au Lecteur" qui ouvre le roman, elle écrit : "Pour éviter de me noyer dans le monde des insectes de Darwin et la cathexis ou force de motivation libidinale de Freud, j'ai doté les deux hommes de personnalités et d'histoires telles que je les percevais entre les lignes. Les personnages de Darwin et de Freud que j'ai créés au cours des années où j'ai rédigé ma thèse sont restés gravés en moi pendant vingt-cinq ans, jusqu'au jour où j'ai ressenti le besoin de les décrire dans un roman. J'ai puisé beaucoup d'éléments dans les biographies, mais cette histoire a surgi de mon imagination, non des livres." Elle défend ensuite sa liberté de romancière en affirmant avoir modifié certains éléments biographiques de Darwin et des Freud père et fille tandis que tous les autres personnages sont inventés. "Autant d'artifices littéraires qu'il ne faut surtout pas considérer comme des hypothèses d'ordre scientifique ou historique." Contrairement à Michel Onfray, la romancière psy prend ses précautions vis-à-vis des lecteurs. Et elle a raison car le résultat de son travail pose question. Est-ce un roman à clé ? Sans doute. On ne se lance pas dans une telle entreprise et à cet âge sans avoir derrière la tête une idée de bilan, tant personnel que professionnel, même si l'on use d'un style léger. Car Catherine Gildiner, par la bouche de son héroïne-meurtrière (miroir ?), n'a pas son pareil pour vulgariser avec humour les théories freudiennes : "Nous disposons de défenses pour éviter de nous laisser guider par nos pulsions. Freud en décrit plusieurs types. La plus banale, c'est la répression : je n'en veux pas à mon mari. Ensuite vient le déni : quel mari ? Puis l'intellectualisation : écrire sur le meurtre de son mari. Enfin, la sublimation : j'ai envie de tuer mon mari, je vais plutôt faire du shopping."
Où sont les clés ?
Après un début oppressant, Kate Fitzgerald joue avec son complice des scènes qui ne dépareraient pas dans la "chick litt" lancée par le Journal de Bridget Jones. L'auteur a-t-elle jugé que cette ambiance sexy était plus facile pour faire véhiculer ses idées ? Quelle est sa part d'investissement dans cette héroïne grande, blonde et intelligente ? En quoi cette structure policière, somme toute classique, reprend-t-elle les données de sa thèse ? Rien n'est vraisemblable parce que ce n'est pas le but premier de notre romancière. Son véritable objectif est le dévoilement d'une vérité (ou d'un fantasme) qui révolutionne le monde freudien. Oui, il y a des clés, des déguisements, des symboles et surtout des projections personnelles. Et c'est cela qui est fascinant : on a envie d'analyser son analyse.
Citation
Freud se doutait que s'il démasquait les pères incestueux de la bourgeoisie – dont une partie étaient les médecins qui lui adressaient des malades -, il n'aurait plus qu'à faire une croix sur sa clientèle. Or, comme il était obligé de gagner sa croûte, il a préféré laisser, d'après Konzak, les papas tripoter leurs petites filles.