Phil Spector, le mur de son

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samedi 20 avril

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Essai - Noir

Phil Spector, le mur de son

Social - Musique MAJ lundi 18 octobre 2010

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Public connaisseur

Prix: 23 €

Mick Brown
Tearing Down the Wall of Sound: The Rise and Fall of Phil Spector - 2007
Traduit de l'anglais par Nicolas Richard
Paris : Sonatine, septembre 2010
650 p. ; 22 x 14 cm
ISBN 978-2-35584-034-0

Actualités

  • 22/11 Radio: La rentrée d'Ondes noires
    La onzième saison d'Ondes noires - l'émission animée sur Agora FM Côte-d'Azur par Corinne Naidet et Jacques Lerognon de l'association La Noir'rôde - compte déjà trois épisodes, disponibles en baladodiffusion ou bien que l'on peut écouter en direct. Voici un bref survol de ce que Jacques et Corinne ont repéré en ces mois d'automne...

    Épisode 1 - 6 octobre
    La saison s'inaugure avec un nouveau générique : "Intro", un morceau interprété par deux anciens guitaristes de Lou Reed, Steve Hunter et Dick Wagner. Sur la première partie plane l'ombre de Raymond Chandler puisque les trois romans évoqués ont tous un rapport avec le romancier - soit avec son écriture, soit avec son héros Philip Marlowe :
    - Signé Mountain, de Peter Corris (traduit par Catherine Cheval. "Rivages noir")
    - Coup de sang, de Declan Hugues (traduit par Aurélie Tronchet. Gallimard "Série Noire")
    - Le Roi des ordures, de Jean Vautrin (Rivages noir).
    Pour la seconde partie, Jacques et Corinne mettent leurs coups de cœur littéraires au diapason du slogan qu'ils ont choisi pour leurs "ondes noires" ("L'émission polar la plus rock de la bande FM") :
    - Phil Spector, une biographie de Mick Brown traduite par Nicolas Richard (Sonatine)
    - Salty, de Mark Haskell Smith (traduit par Julien Guérif. "Rivages noir")
    Cette seconde partie est marquée par un hommage rendu à Michèle Witta, bibliothécaire à la BiLiPo dont on a maintes fois croisé le nom ici même quand il fallait signaler l'une ou l'autre des nombreuses conférences qu'elle a données dans tel ou tel festival noir et qui est décédée le 29 septembre. Mais il y a aussi une note réjouissante : un entretien avec Marc Heim, un libraire assez particulier qui a imaginé d'ouvrir une librairie-coutellerie... histoire d'assouvir simultanément deux de ses passions, la lecture et les couteaux de collection. Et si l'on vous dit qu'en plus, sa littérature de prédilection est noire et policière... L'endroit est suffisamment intriguant pour que nous ayons choisi en guise d'illustration non pas le logo de la Noir'rôde mais l'enseigne de ladite librairie : Enquêtes et bizarreries - 5 rue Barberis, 06300 Nice. Tél. : 04.93.26.98.77.

    Épisode 2 - 20 octobre
    Une petite note italienne pour cette émission, avec tout d'abord l'évocation d'un roman "mafieux" d'Arturo Buongiovanni - un avocat rompu à la défense des repentis de la mafia : Repenti (traduit par Patrick Vighetti. La Fosse aux ours). La virée italienne se poursuit de façon... internationale avec The American (de Martin Booth, éditions Florent Massot), écrit par un Anglais et dont le personnage principal est un autre Anglais - mais qui se déroule en Italie (quand même !) Et Jacques de mentionner au passage un de ces mystères de la traduction qui font sourire : le titre anglais de l'édition française n'a rien à voir avec le titre original, A Very Private Gentleman... On quitte l'Italie gastronomiquement - parce qu'en pensant "Italie" on a souvent l'eau à la bouche...), avec un livre de cuisine préparé par Claire Dixsaut (éditions Agnès Viénot), A table avec les Tontons : des "recettes de bistrots" tirées de quelques fameux (!) films noirs, dont Les Tontons flingueurs.
    La seconde partie de l'émission est tout entière occupée par un entretien téléphonique avec Marc Villard qui présente quelques-uns de ses livres, notamment Zigzag, un recueil de nouvelles écrit avec Jean-Bernard Pouy sur le principe suivant : chacun des auteurs a établi une liste de dix thèmes récurrents dans ses romans qu'ils se sont échangés, et Marc Villard d'écrire dix nouvelles à partir des thèmes de JBP... et vice versa.

    Épisode 3 - 3 novembre
    Une émission 100 % chroniques cette fois - une première partie "toute BD", et une seconde, elle, 100 % romans.
    Les albums
    - Le Kid de l'Oklahoma, d'après un roman d'Elmore Leonard, dessiné par Oliier Berlion (Rivages/Casterman)
    - Dernière station avant l'autoroute, d'après un roman de Hugues Pagan scénarisé par Didier Daeninckx, dessiné par Mako (Rivages/Casterman)
    - Blacksad tome 4 : "L'enfer, le silence" (Guarnido & Canales, Dargaud) - on se souvient que le dessinateur était il y a peu au micro de Nathalie Piolé sur TSF Jazz...
    Les romans
    - En premier lieu, un livre qui justement n'est pas un roman mais une étude sur un romancier, Paco Ignacio Taibo II parue aux éditions L'Atinoir : Lénine à Disneyland. L'ouvrage, en fait une réécriture de sa thèse universitaire, est signé Sébastien Rutès.
    - La Rivière de sang, de Jim Tenuto (traduit par Jacques Mailhos. Éditions Gallmeister)
    - Nager sans se mouiller, de Carlos Salem (traduit par Danielle Schamm. Actes Sud "Actes noirs").
    Liens : Signé Mountain |Coup de sang |Dernière station avant l'autoroute |La Rivière de sang |Nager sans se mouiller |Salty |Mick Brown |Peter Corris |Declan Hugues |Marc Villard |Jean-Bernard Pouy |Elmore Leonard |Didier Daeninckx |Paco Ignacio Taibo II |Sébastien Rutés |Jim Tenuto |Carlos Salem |Mark Haskell Smith |La Noir'Rôde

Phil Spector : emmuré sous la rockaille

Dans la famille des producteurs barrés, ce serait la mère. Démoniaque. De celles qui dévorent ses petits. La biographie de Mick Brown dévoile la part d'ombre de l'un des plus illustres éclaireurs de l'histoire du rock, dont la vie vaut mille polars.

"Les gens se moquaient de moi, le petit môme qui produisait des disques de rock'n roll. Mais je savais. [...] C'était très difficile parce que les gens n'avaient aucun sens du destin." Lui a toujours cru en sa destinée grandiose. Né dans le Bronx en 1939, il ne s'est jamais remis du suicide de son père, alors qu'il avait neuf ans, et il deviendra un revanchard de la pire espèce. De ceux qui réussissent.
Á dix-huit ans, sa première chanson, To Know Him Is To Love Him, interprétée avec son groupe les Teddy Bears, se vend à plus d'un million d'exemplaires... Guitariste alors très prisé, c'est finalement en créant et en façonnant les autres artistes à sa guise qu'il deviendra le grand Phil Spector, et à vingt-trois ans, il est déjà le producteur le plus en vue d'Amérique. Ses perles ? There's No Other (Like My Baby), des Crystals, Be My Baby, des Ronettes, You've Lost That Lovin' Feelin', des Righteous Brothers.
Fan de Debussy et de Gershwin autant que de la musique de la Motown, "le premier magnat du monde adolescent", selon les mots de Tom Wolfe, invente ainsi le versant glam des sixties, investit dans le "girls group", et révolutionne la création musicale en imposant, au cœur du dispositif, le rôle prépondérant – et tyrannique - du producteur. Ce qui n'aurait pu se faire sans le fameux "mur du son" spectorien. Il réunit près de vingt-cinq musiciens au sein du "wrecking crew" (les démolisseurs), et leur assigne comme mission de tailler un son massif, de telle sorte que la pop ressemble à la Chevauchée des Walkyries. Il aime travailler la nuit et faire poireauter tout le monde, traite mieux ses musiciens que ses chanteuses, enregistre et mixe à un volume assourdissant... Il a pourtant tout de l'anti-rocker absolu, effrayé par les bas-fond new-yorkais de la 42e Rue, par la drogue et l'alcool – il ne s'y mettra, et avec zèle, que sur le tard.
Mais l'homme est méchamment dérangé. "Bloqué affectivement", dit Mick Brown. Ce fameux mur du son, il semblerait qu'il l'ait érigé entre le Phil de l'intimité et le Spector personnage public. Il le savait, il plierait le monde à ses désirs, le redessinerai en suivant la géométrie de ses obsessions. Spector, c'est de l'audace et du génie, mêlés à une omniprésente culture de la détresse et du désastre. Brutal avec ses épouses, cruel avec ses enfants adoptifs, il menace à peu près tout le monde avec ses armes à feu, terrorisant même un Dee Dee Ramone qui en a pourtant vu d'autres. Lorsque Spector produira Léonard Cohen en 1978, le Canadien, avec son humour corrosif, racontera : "C'était ça, la chose essentielle : les flingues. La musique ne venait qu'après. Les gens étaient armés jusqu'aux dents, tout le monde était saoul ou défoncé, on glissait sur les douilles, on trouvait des revolvers dans nos hamburgers, il y avait des flingues partout."
Au rayon rock, il travaillera encore avec Ike et Tina Turner, sauvera du naufrage le dernier album des Beatles, "lancera" les carrières "solo" de Lennon et Yoko Ono, puis de George Harrison, et produira les Ramones avant de prendre sa retraite au milieu des années 1980.
Puis, en 2003, il refait tragiquement parler de lui, quand la comédienne Lana Clarckson. est retrouvée assassinée chez lui. Après un procès à rebondissements, il est finalement accusé d'homicide involontaire en 2009, et incarcéré. Et l'auteur de cette biographie brûlante de conclure : "Personne n'aurait voulu de la vie de Phil Spector."

Citation

Dans une certaine mesure, je suis probablement fou.

Rédacteur: Cédric Fabre samedi 01 mai 2010
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