Mandrin de A à Z

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Essai - Noir

Mandrin de A à Z

Historique - Gang - Faits divers MAJ vendredi 27 janvier 2012

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 14 €

Alain Balsan
Préface de Pierre Vallier
Postface de Philippe Jullien-Paletier
Saoû : La Galipotte, novembre 2011
122 p. ; illustrations en noir & blanc ; 21 x 15 cm
ISBN 978-2-919416-02-8

Bien aimé bandit ?

Alors que sort justement, le 1er février 2012, un nouveau film sur le personnage de Mandrin, Les Chants de Mandrin de Rabah Ameur-Zaïmeche qui perpétue la légende du bandit au grand cœur qui vole les riches pour donner aux pauvres, il convient de se pencher sur ce petit livre qui entend remettre les pendules à l'heure. Docteur en droit, spécialiste des institutions et des faits sociaux de Valence pendant le Grand Siècle, Alain Balsan est avocat honoraire et ancien bâtonnier au barreau de Valence. Il a, de plus, enseigné à la faculté de droit de Valence, dont il est doyen honoraire, et à la faculté de Lyon. Profil idéal pour De Borée qui l'a chargé du recueil Les Grandes affaires criminelles de la Drôme. Cet historien nous propose ici un petit livre édité à cinq cents exemplaires qui entend faire le point sur Louis Mandrin resté dans les mémoires grâce aux noms de lieux-dits, grottes où il aurait caché ses fournitures, films, livres et complaintes encore chantées récemment par Yves Montand, Guy Béart, Colette Renard et... Dorothée dont voici le dernier couplet :
Compagnons de misère,
Allez dire à ma mère,
Qu'ell' ne m'verra plus,
J'suis un enfant. Vous m'entendez ?
Qu'ell ne m'vera plus,
J'suis un enfant perdu.

Plutôt que se lancer dans un récit chronologique, l'auteur a choisi le principe des fiches thématiques classées alphabétiquement. De A comme "Acte d'Accusation" à Z comme "Zélateurs", il utilise donc ces multiples entrées pour fouiller le personnage de Mandrin. Le lecteur n'ayant aucune raison de prendre une entrée plutôt que l'autre, il les lit sagement de A à Z. Il constate alors que, même si le Jugement vient après l'Exécution mais avant la Roue, ces sauts de puce dans la chronologie sont en fait bien pensés pour que l'appréhension de l'Affaire Mandrin se construise d'elle-même au fil des pages, avec des éléments plus à charge qu'à décharge. Dans un style sobre et précis, Alain Balsan nous apprend, grâce à ses fiches rapides et enlevées, le pouvoir extraordinaire de la Ferme Générale, système d'affermage chargé de récolter les impôts indirects (sur le sel, le tabac, l'alcool et les indiennes, tissus imprimés en Hollande fortement taxés par protectionnisme des filatures françaises). Les riches Fermiers Généraux établis dans toutes les régions de France disposent de nombreux secrétaires, comptables et douaniers (dits Gâpians) armés pour récolter la manne du Trésor Public. La Ferme Générale a aussi le rôle de servir de tampon entre la population et le Roi car c'est contre elle que les protestations se déchaînent. C'est dans cette ambiance que Mandrin (1725-1755) va organiser en 1754, six Campagnes de contrebande qui vont le mener à la mort, lui et la plupart de ses complices. Ils partent de Savoie qui, depuis le XVIIe siècle est terre de contrebande (production de sel). Passée sous le giron de Victor-Amédée II, duc de Savoie et Prince de Piémont qui devient Roi de Sardaigne, elle protestera lors de l'arrestation et l'exfiltration de Mandrin à partir de son territoire. Mais, pour l'instant, Mandrin se forge une réputation. Son passage dans les villes suscite l'allégresse des consommateurs qui peuvent acheter des produits "détaxés". Si la bande de Mandrin (une douzaine de bonshommes au début, près de trois cents à la fin) se conduit correctement lors de ses périples (on paye les aubergistes et la nourriture), il n'en va pas de même face aux troupes armées et employés de la Ferme Générale. Ainsi, l'auteur comptabilise "plus de trente morts et de nombreux blessés (dont la moitié au cours de la sixième campagne de décembre) dans des conditions de grand brigandage, auxquels s'ajoutent des dizaines de vols, d'extorsions de fonds de toute nature et une séquestration". Car Mandrin, même s'il se montre très procédurier n'hésitant pas à faire signer reconnaissances et contrats, pratique la vente forcée. Il s'est toujours défendu d'être directement responsable des morts, faisant porter le chapeau à ses complices qu'il disait mettre à l'amende pour leurs débordements. Mais il aurait lui-même abattu un homme et sa petite fille de deux ans pour venger la mort de son frère pendu pour fausse monnaie. Alain Balsan dresse l'historique de Mandrin (ce n'était pas un enfant de cœur) et de sa famille, de la situation politique de l'époque, du recouvrement de l'impôt. En tant qu'homme de loi, il se concentre sur la Commission du Conseil, structure à la limite de la légalité et complètement ignorée des historiens en raison du "caractère squelettique de ses archives" car toutes les pièces de procédure ont été détruites en 1871 lors de la Commune de Paris qui incendia le Palais d'Orsay où elles étaient stockées. L'auteur s'est servi des "affichettes de jugements" placardées dans les lieux concernés pour faire un bilan de cette juridiction créée en 1733 de façon à couvrir les compétences de plusieurs parlements de justice limités, eux, à leur province, ceci afin de juger les crimes transfrontaliers comme la contrebande. En fait, souligne Alain Balsan, l'État et les Fermiers Généraux voulaient contrer "les parlements souvent indépendants et rétifs", comme, ici, celui de Grenoble. C'est la Commission sise à Valence qui condamna Mandrin.

Impossible de résumer la richesse de ce petit ouvrage de vulgarisation de données universitaires. Même la postface, contenant le portrait de Mandrin fait par un actuel psychiatre intervenant en Cour d'Assises de la Drôme (hasardeuse démarche) est intéressante. Seul reproche : l'objet livre aurait pu être plus soigné (colle de la tranche genre ciment, typo des entrées de mots clé, en gras souligné, sortie directement de l'ordi de bureau). Lui donner une seconde vie chez Mille et Une Nuits ou en Folio 2€ ? Ce serait une bonne idée.

Citation

Nous n'éprouvons pour Mandrin ni empathie, ni antipathie. Seule nous a dirigé dans nos recherches la curiosité de l'histoire, la plus proche possible de la vérité.

Rédacteur: Michel Amelin vendredi 27 janvier 2012
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