La Déposition

Je me sens persécuté dès que je vois quelqu'un plus de trois fois par semaine... Je bois trop aussi... J'ai besoin de vacances... Il y a aussi un ange qui me poursuit... Un ange avec une haleine de chacal.
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vendredi 19 avril

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Essai - Policier

La Déposition

Psychologique - Procédure - Faits divers MAJ mardi 10 mai 2016

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 19 €

Pascale Robert-Diard
Paris : L'Iconoclaste, janvier 2016
236 p. ; 19 x 14 cm
ISBN 979-10-95438-02-1

Le loup déguisé en Agnelet

Nous avons affaire certainement au plus remarquable ouvrage de ce genre depuis des années ! Comment revisiter intelligemment la chronique judiciaire ? Comment sortir du carcan de la procédure, du récit factuel, des témoignages sans cesse remis en cause, de la chronologie immuable du procès ? Et, surtout, comment encore intéresser le public à une affaire vieille de près de quarante ans dont le principal suspect a connu trois procès échelonnés dans le temps ? Pascale Robert-Diard, chroniqueuse judiciaire au Monde, répond avec génie à toutes ces questions dans un ouvrage court, dense et d'une force dramatique sans pareille.
Souvenez-vous d'Agnès Le Roux, l'une des héritières du célèbre casino du Palais de la Méditerranée à Nice. Maîtresse du séduisant avocat Maurice Agnelet, elle accepte un pot-de-vin d'un concurrent de sa mère propriétaire, et lui fait perdre sa majorité lors d'un vote du Conseil d'Administration. Quelques mois plus tard, elle disparaît à la Toussaint 1977 après deux tentatives de suicide. Le corps ne sera jamais retrouvé. Maurice Agnelet est interrogé. Une autre maîtresse lui donne un alibi. Le voilà blanchi, puis, après l'aveu du faux alibi, coupable d'un meurtre sans cadavre... Le dernier procès s'ouvre à Rennes en 2014 et là, coup de théâtre : Guillaume, le second fils d'Agnelet, celui qui s'est toujours battu à ses côtés, dépose par surprise sous les yeux horrifiés de son frère survivant et de sa mère. Il sait depuis ses quinze ans que son père a tué Agnès Le Roux. Trois scènes sont gravées dans son esprit. Trois bribes de vérité. Pascale Robert-Diard est là. Elle va saisir au bond cet affrontement de tragédie grecque. Nous sommes en 2014. Son livre sort en 2016.
Entretemps, elle a rencontré Guillaume Agnelet et, par sa bouche, a plongé dans les déchirements d'un homme englué dans un secret de famille où mort, sexe et argent mènent la ronde. La chroniqueuse évite alors le récit immuable de l'affaire tant de fois raconté pour s'attacher à la lente dégringolade psychologique de Guillaume. Par ce biais saisissant de justesse, elle donne un autre regard sur les traces et les indices. Et plus l'angoisse de Guillaume monte, plus sa violence explose pour faire craquer le mutisme de sa famille. Jusqu'à des scènes terribles, comme celles où Guillaume, demandant des explications à son père, voit dans le regard que celui-ci lui lance un danger imminent. Traduire ces instants n'est pas donné à tout le monde et ç'est là qu'on reconnaît la plume.
"Un récit littéraire en forme de thriller psychologique", annonce l'éditeur. Sans doute, mais c'est réducteur. Oui, il y a récit, littérature, thriller et psychologie mais il y a plus. D'abord ce "je" de la chroniqueuse qui ouvre le livre et résume le choc de la cour d'assise. Sans dévoiler plus ces scènes (elle les développera à la fin), elle va ensuite à la rencontre de Guillaume, qui porte désormais le poids de la condamnation de son père octogénaire. Suit un récit d'une finesse incomparable sur le "avant le procès" c'est-à-dire depuis l'enfance de Guillaume. C'est donc un point de vue inédit ; celui d'une cellule familiale infestée par la personnalité des parents, et surtout du père, puis par les enquêtes et les soupçons. Même si le "je" n'est plus présent, on sent la plume qui tisse les faits, les mots qui pèsent, la douleur mais toujours la retenue. Le "je" discret revient lors du fameux dernier procès de Rennes dont l'intensité dramatique est si bien traduite qu'aucun thriller ne pourrait le faire. Cet ouvrage est inclassable. Voilà un écrit qui s'est substitué à une voix empêchée. Quand les journaux télévisés annoncèrent ce coup de théâtre lors du procès de Rennes, personne ne prit conscience de la violence psychologique extrême de cette déposition : c'était une si vieille histoire. Pascale Robert-Diard la fait sortir de l'oubli avec un talent confirmé. On notera aussi, au final, les commentaires étonnants sur l'ambiance des tribunaux, les comportements des membres du jury ou du tribunal. Les cercles concentriques blancs autour des victimes et les noirs autour du prévenu qui s'étendent à l'espace du public, à la salle des pas perdus et même aux machines à boissons. N'oublions pas le progrès avec les ambiances mortifères distillées par la technique de la visioconférence.
Enfin, le fait que Pascale Robert-Diard conclut son livre par l'arrêt de la cour d'assises détaillant tous les épisodes, preuves et indices de l'Affaire Le Roux marque sa modestie et sa croyance en la voix de la Justice qui se substitue à la sienne.

Citation

La loi, qui connaît mieux la vie qu'on ne le dit parfois, a prévu des cas comme ça. Elle dit que lorsqu'on est le père, la mère, le frère, la sœur, l'enfant ou le conjoint de l'auteur d'un crime ou d'un délit, on ne peut pas être puni pour ne pas l'avoir dénoncé.

Rédacteur: Michel Amelin mardi 10 mai 2016
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