Mécanique mort

Les Méchants à cent pour cent sont rares, sans doute parce qu'une fois adulte, deux scélérats risquent plus de s'étriper que de se marier et d'avoir beaucoup d'enfants.
Stephanie S. Sanders - L'École des mauvais méchants. 1, Complot
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Roman - Noir

Mécanique mort

Social - Drogue - Trafic MAJ jeudi 12 mai 2022

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 19 €

Sébastien Raizer
Paris : Gallimard, mai 2022
402 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-07-298284-2
Coll. "Série noire"

Actualités

  • 21/06 Prix littéraire: Sélection pour le Grand Prix de littérature policière 2022
    À la mitan de juin, le jury de ce prix bicéphale, qui récompense conjointement, rappelons-le, un roman écrit en français et un roman étranger traduit, se réunissait pour définir la liste des trente œuvres présélectionnées. En attendant la remise des prix cet automne (première quinzaine d'octobre, dit-on), voici la liste telle qu'arrêtée par les jurés – quatorze romans francophones et seize traduits :

    ROMANS FRANCOPHONES
    La Double Vie de Laura_73, de Laurent Bettoni (Cosmopolis, novembre 2021).
    Appartement 816, d'Olivier Bordaçarre (Atalante, octobre 2021).
    Gueules d'ombre, de Lionel Destremau (La Manufacture de livres, avril 2022).
    De silence et de loup, de Patrice Gain (Albin Michel, septembre 2021).
    Les Cow-boys sont fatigués, de Julien Gravelle (Le Seuil, janvier 2022).
    Au bout de la nuit, de Pierre Hanot (Konfident, avril 2022).
    Les Derniers jours des fauves, de Jérôme Leroy (La Manufacture de livres, février 2022).
    Les Larmes du Reich, de François Médéline (10-18, avril 2022).
    Le Carré des indigents, de Hugues Pagan (Rivages, janvier 2022).
    La Menace 732, de Frédéric Potier (L'Aube, mai 2022).
    Mécanique mort, de Sébastien Raizer (Gallimard, mai 2022).
    Usual victims, de Gilles Vincent (Au diable Vauvert, février 2022).
    Les Loups, de Benoît Vitkine (Les Arènes, février 2022).
    Qui voit son sang, d'Élisa Vix (Le Rouergue, avril 2022).

    ROMANS ÉTRANGERS
    American Predator, de Maureen Callahan (traduit par Corinne Daniellot ; Sonatine, novembre 2021).
    La Mort sur ses épaules, de Jordan Farmer (traduit par Simon Baril ; Rivages, janvier 2022).
    Les Rites de l'eau, d'Eva Garcia Saenz de Urturi (traduit par Judith Vernant ; Fleuve, mai 2022).
    Tu marches parmi les ruines, de Tyler Keevil (traduit par Fabrice Pointeau ; Le Seuil, février 2022).
    Riley tente l'impossible, de Jeff Lindsay (traduit par Julie Sibony ; Gallimard, mai 2022).
    La Voix du lac, de Laura Lippman (traduit par Hélène Frappat ; Actes Sud, février 2022).
    La Vague arrêtée de Juan Carlos Mendez Guedez (traduit par René Solis ; Métailié, octobre 2021).
    Infiltrée, de Mike Nicol (traduit par Jean Esch ; Gallimard, février 2022).
    Les Gens des collines, de Chris Offutt (traduit par Anatole Pons-Reumaux ; Gallmesiter, avril 2022).
    Bobby Mars forever, d'Alan Parks (traduit par Olivier Deparis ; Rivages, février 2022).
    Tokyo revisitée, de David Peace (traduit par Jean-Paul Gratias ; Rivages, mars 2022).
    La Medium, de J. P. Smith (traduit par Karine Lalechère ; Gallimard, janvier 2022).
    Chaque serment que tu brises, de Peter Swanson (traduit par Christophe Cuq ; Gallmeister, juin 2022).
    Au fin fond de la Petite Sibérie, d'Antti Tuomainen (traduit par Anne Colin du Terrail ; Fleuve, septembre 2021).
    Shalom Berlin, de Michael Wallner (traduit par Sylvie Roussel ; Filature(s), octobre 2021).
    Lady Chevy, de John Woods (traduit par Diniz Galhos ; Albin Michel, février 2022).
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Retour au pays.

L'action se déroule dans la région de Thionville, quelques années après les événements racontés dans Les Nuits rouges. Les remous provoqués par le premier volet sont quasiment apaisés et le monde s'est reconstitué. Keller continue à être un policier exemplaire, c'est-à-dire qu'il surveille les différents gangs qui se partagent le monde de la drogue pour éviter que cela ne fasse trop de vagues, et que la situation reste gérable pour apaiser cette région en déclin économique. Mais la situation est fragile car la dealeuse locale est soumise à une pression constante de ses fournisseurs qui voudraient introduire une nouvelle drogue, qui rend accro rapidement mais qui tue tout aussi facilement. Et, bien sûr, tout ça risque de rompre le fragile équilibre de cette région. D'autant plus qu'au-dessus de nouvelles forces veulent s'installer comme ce mafieux qui entend créer de nouvelles façons de gérer le business et ce représentant des forces pharmaceutiques ; ensemble, ils entendent s'emparer du pouvoir économique en s'appuyant sur des forces légales et illégales... du moment que cela rapporte. Tous ces individus et groupes sont donc là, l'arme sur la couture du pantalon, prêts à lancer une guerre désastreuse, mais qui devrait les enrichir. Il suffit cependant d'un élément anodin pour que tout explose. Or, cet élément va arriver en la personne de Gallois, celui qui a déjà fait exploser le consensus trois ans plus tôt afin de venger son père, syndicaliste assassiné. Parti se réfugier en Asie, il revient sans trop bien savoir pourquoi. Mais, à peine arrivé, un journaliste annonce son retour de manière déguisée. Quelques heures plus tard, il manque d'être tué, et des hommes de main s'emparent d'un voisin de chambre de son hôtel, le torturant et diffusant les images de son calvaire. Tout peut s'embraser et Keller comptera les morts...

Sébastien Raizer se sert d'un thème qui peut sembler très classique : un homme revient sur les lieux de son enfance et son arrivée met le feu aux poudres, déclenchant ce qui n'attendait que lui pour exploser. Son personnage, humain et qui veut juste une sorte de justice et de pardon, rencontre des gens aussi humains que lui (principalement des petites gens, une magnifique femme patronne d'un hôtel, un jeune drogué perdu, une dealeuse qui essaie de survivre dans un marigot, une jeune femme avec qui l'amour pourrait être une porte de sortie). Face à eux, des êtres passés de l'autre côté et qui ne comprennent que la force brute, qu'elle soit violente (comme un tueur garde du corps, ancien des Loups gris), policée mais plus rude encore (un représentant des grands trusts capitalistes prêts à détruire la planète pour récupérer un euro de plus) ou même légale (Keller, le policier dépassé par des événements qu'il fait mine de contrôler). Malgré le titre - Mécanique mort - et les lieux où l'action se passe, le roman oscille entre le noir le plus total (une scène de torture, des massacres imposants, les réactions des puissants pour imposer leur loi) et des brèches, des ouvertures d'humanité (un café savouré, une discussion avec un cuisinier chinois sur un bateau, un amour possible) qui éclairent le monde tel qu'il est et, en même temps, tel qu'il pourrait être. Construit avec soin, se répondant de manière équilibrée, Mécanique mort est le récit implacable de notre propre extinction mais aussi la possibilité d'une rédemption, à l'instar de cette région de Thionville que l'on imagine sinistrée et qui côtoie des banlieues riantes (dues surtout aux gens qui travaillent de l'autre côté au Luxembourg), comme ce Yin et ce Yang auquel doit songer par moment un auteur très porté sur l'Asie où il séjourne et symbolisé dès le début du texte par un double masque blanc et noir, comme ces chansons de Joy division (rien que le nom qui pourrait inspirer le bonheur et qui renvoie à une réalité sombre), qui décrivent un monde et des êtres perdus mais en font aussi un hymne mélodique et à la beauté tragique. Encore un très bon roman de Sébastien Raizer. Lui, confirme ses qualités d'auteur et réussit à créer son univers particulier en s'appuyant sur des thèmes connus.

Citation

Ce monde est mort et s'il donne l'impression de bouger encore, c'est à cause des vers qui dévorent son cadavre. Mécanique mort. Keller avait raison. Il ne fallait jamais revenir. Mais maintenant, c'est trop tard.

Rédacteur: Laurent Greusard mardi 17 mai 2022
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