IA 2042 : dix scénarios pour notre futur

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Nouvelle - Noir

IA 2042 : dix scénarios pour notre futur

Anticipation - Social - Scientifique MAJ jeudi 03 novembre 2022

Note accordée au livre: 2 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 24,9 €

Qiufan Chen & Kai-Fu Lee
AI 2041: Ten Visions for Our Future - 2021
Traduit de l'anglais (Chine) par Sabine Guez, Sylvie Lucas
Paris : Les Arènes, octobre 2022
498 p. ; 24 x 16 cm
ISBN 979-10-375-0723-5

Futurs artificiels

Ils sont créateur de deepfakes à Lagos, adolescente à Bombay, joueur de jeux vidéo de courses automobiles au Sri Lanka, fan d'une idole de la j-pop à Tokyo, agoraphobe à Shanghai, tous appartiennent à la génération née au tournant des années covid, qui en 2042 baigne depuis toujours dans un environnement où les IA prennent de plus en plus de place, pour le meilleur et souvent pour le pire. Tous vont se retrouver confrontés à des situations où leur rapport à la technologie et au monde va être mis à rude épreuve.

Projet étrange s'il en est, IA 2042 est un objet hybride, quelque part entre le recueil de nouvelles et la collection d'essais (ce qui en soi n'est pas inédit) destiné à nous démontrer que le futur est à l'intelligence artificielle et que, pour peu que l'on arrête de craindre leur ubiquité dystopique, elles nous apporteront joie et félicité. Pour nous en convaincre, le recueil présente dix nouvelles, dix "scénarios" comme le présente le sous-titre, écrits par Chen Qiufan, accompagnés de dix essais exposant les enjeux technologiques et éthiques de chaque nouvelle par Kai-Fu Lee. Une entreprise qui peut sembler louable tant on raconte souvent n'importe quoi à propos des IA, du deep learning ou des véhicules autonomes par exemple, mais qui apparaît relativement suspecte quand on se penche un peu sur le CV des auteurs, tous deux passés chez Google : Chen Qiufan, président de l'association mondiale de science-fiction chinoise est l'un des plus fervents défenseurs de la S.-F. comme outil du soft power chinois, tandis que Kai-Fu Lee, ancien président de Google China, passé par Microsoft et Apple, préside le conseil pour l'intelligence artificielle au sein du forum économique mondial... Autant dire que nous ne sommes pas vraiment en présence de babas cool technophobes et que leur vision d'un futur alimenté par les IA ne peut qu'être teintée de positivisme.

Cette particularité biographique énoncée, que penser de IA 2042 ? Les textes de Chen Qiufan sont tous pensés pour mettre en lumière un des aspects problématiques de l'utilisation des IA, on voit donc celles-ci réguler les relations sociales, la médecine, l'éducation, la guerre, la sécurité routière, l'information, le travail et même le bonheur ! Toutes offrent des prémices intéressants, des personnages et des situations géographiques et sociales qui sortent de l'habituelle routine occidentale ; l'auteur a un talent certain pour décrire des quotidiens différents, et ses descriptions de Lagos, Shanghai ou Bombay dans vingt ans sont à la fois crédibles et vivantes. Hélas, s'il pose des bases qui promettent des textes originaux, révélant d'ailleurs souvent les limites des IA ou leur capacité à créer un réel cauchemardesque, les contraintes du projet l'amènent à opérer à chaque fois un retournement de situation dans lequel l'IA devient soudainement bénéfique (comme lorsqu'elle sauve des innocents menacés par des terroristes ou permet à des jumeaux de se retrouver) au détriment de toute logique narrative. Mais le pire vient pourtant des essais de Kai-Fu Lee, commençant par une "explication de texte" des plus scolaires de ce que l'on vient de lire, suivie d'une étude des développements de l'IA dans le domaine concerné. Là encore, tous les futurs présentés tournent à la dystopie sécuritaire avant que l'essayiste ne nous révèle qu'il est "persuadé", qu'il "pense" ou qu'il veut "croire" que d'ici vingt ans, toutes les dérives qui sautent aux yeux du lecteur le moins attentif auront été dépassées car, c'est bien connu, comme l'ont réalisé Einstein ou Oppenheimer, le monde de la finance et de l'industrie ont davantage à cœur le bonheur de l'humanité que le profit immédiat. C'est à la fois glaçant et aberrant de naïveté. Ajoutez à cette croyance erronée que le progrès va nous sauver (peu importent les coûts environnementaux, sociaux et éthiques de ces "avancées") et qu'il est donc justifié de continuer à foncer dans le mur, et une propagande sur la supériorité chinoise qui ferait même sourire dans un discours de Xi Jing-Ping, et vous obtiendrez un ouvrage qui rate totalement sa cible, qu'on soupçonnerait presque d'avoir été rédigé par une IA nourrie au deep learning a qui on aurait confié la tâche de justifier son existence.

Pour une approche, certes plus purement science-fictive, d'IA bénéfiques, mieux vaut se plonger dans le "Cycle de la Culture" de Iain Banks, vaste saga de S.-F. au sense of wonder nourri de prospective.

NdR - Le recueil comporte les nouvelles suivantes : "L'Éléphant doré", "Derrière les masques", "Les Jumeaux", "L'Amour sans contact", "Mon idole fantôme", "Le Pilote sacré", "Apocalypse quantique", "Le Sauveur d'emplois", "L'Île du bonheur" & "Horizon plénitude".

Citation

Avec ses progrès continus et, semble t-il, sans bornes, avec le foisonnement de ses nouvelles applications, l'IA nous interroge : où tout cela nous mènera t-il ?

Rédacteur: Jean-François Micard jeudi 03 novembre 2022
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