Contenu
Poche
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (Irlande) par Bruno Boudard
Paris : Phébus, février 2011
496 p. ; 18 x 12 cm
ISBN 978-2-7529-0518-5
Coll. "Libretto", 336
La condamnation d'un administrateur.
Dans l'Irlande des années 1850, un homme lutte contre une Loge qui veut l'exécuter au prétexte qu'il remet en cause le statut des fermiers. L'auteur, s'appuyant sur des faits authentiques, conjugue avec brio une relation sociale, politique détaillée de cette époque et une intrigue au suspense magnifiquement entretenu.
Micky Laffin assiste à l'assassinat, par des ribbonistes, de son ami McGuinness qui a repris un pub. Selon la Loge, celui-ci devait revenir à un natif.
Quelques années plus tard, il accueille Thomas French, embauché par Mrs Beaton pour redresser la situation de son domaine. Celui-ci périclite. Des fermages ne sont plus payés. Il pense avoir une solution intéressante pour convaincre les mauvais tenanciers de quitter leur exploitation.
Tim Traynor et Kitty McKenna vivent une passion partagée. Cela fait plusieurs mois qu'ils se retrouvent, le soir, près de la source où la jeune fille va remplir ses seaux. Il est pauvre. Elle a un père qui a réussi. Elle espère, cependant, qu'il acceptera Tim en souvenir de son passé : il épousa contre le gré de son beau-père, celle qui est sa femme, la mère de Kitty. Mais des souhaits à la réalité... De déception, Tim s'engage chez les ribbonistes.
L'arrivée de Thomas suscite bien des interrogations de la part des fermiers au statut de tenanciers. Certains jugent que la proposition de rachat des dettes contre leur droit de tenanciers, avec un billet simple pour l'Amérique, revient à remettre en cause leurs acquis. La Loge n'est pas d'accord du tout...
Carlo Gébler, comme son nom ne l'indique pas, est pourtant un Irlandais de pure souche, le fils de la romancière Edna O'Brien. Pour l'intrigue de ce roman, il s'appuie sur des faits authentiques relatés dans les Mémoires d'un certain William Stewart Trench. Celui-ci fût embauché, en 1851, pour administrer les terres d'un marquis. Quelque temps après son arrivée, un groupe de tenanciers locaux, regroupés dans une société secrète agraire appelée les ribbonistes, le condamne à mort. Ils tentent à plusieurs reprises de l'assassiner.
Mais Carlo Gébler, s'il emprunte quelques éléments de cette réalité, fait œuvre de fiction, introduisant suffisamment de faits, de situations et de personnages imaginaires, donnant une dimension politique.
Il fait une description marquante de ce coin de terre d'Irlande, des conditions d'existence de ces fermiers tout juste sortis de la Grande Famine de 1846-1848. Il détaille l'organisation sociale et administrative de ces zones rurales.
Il montre la lutte féroce que cette loge secrète mène pour défendre les acquis des fermiers, ses méthodes d'intimidation et ses exactions. Il retrace, à travers le portrait de quelques policiers le fonctionnement de la gendarmerie irlandaise (mise en place par les Anglais) et ses limites sur la période considérée.
Il soulève aussi la question de la propriété de la terre et explicite les germes d'une conjoncture explosive dont les tragiques événements des cent dernières années sont la conséquence, pour l'indépendance de l'Eire, puis pour l'égalité des droits en Irlande du Nord.
Avec Thomas French, il brosse le portrait de l'administrateur sans état d'âme, qui s'est forgé une réputation de gestionnaire efficace. L'auteur ne décrit pas autre chose qu'un de ces managers d'aujourd'hui, valet des actionnaires, qui ne raisonnent qu'en chiffres. D'ailleurs, French change de domaine tous les cinq ans, après avoir remis l'exploitation à flot. Malgré sa vie familiale, malgré les menaces qui pèsent sur lui, ce personnage reste antipathique au possible.
Comment tuer un homme est un livre puissant, qui décrit à travers un morceau d'Histoire d'un pays rude, une sombre réalité. Un remarquable roman !
Citation
Pour Isaac, l'iniquité du stratagème résidait dans le fait qu'il allait créer un précédent catastrophique. Si le droit du tenancier était abaissé de quinze fois à cinq fois le loyer annuel, par exemple, alors tous les bons fermiers qui resteraient sur le domaine au lieu de s'embarquer pour l'Amérique se retrouveraient avec des terres dont la valeur serait inférieure à ce qu'elle était auparavant. Nettement inférieure.