Contenu
L'homme qui aimait les chiens
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'espagnol (Cuba) par René Solis, Elena Zayas
Paris : Métailié, janvier 2011
668 p. ; 24 x 16 cm
ISBN 978-2-86424-755-5
Coll. "Noir - Bibliothèque hispano-américaine"
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Qu'on se le dise ! L'écrivain cubain Leonardo Padura a débarqué en France. Et ce ne sont pas les très nombreuses pages de son dernier roman publié ici, L'Homme qui aimait les chiens, qui doivent vous rebuter.
Le Festival America et la librairie vincennoise Millepages* vous invitent à le rencontrer en compagnie du journaliste à Libération et écrivain Philippe Lançon, qui publie également Les Îles, le mardi 4 octobre à partir de 19 h 30.
C'est là une occasion en or de rencontrer un écrivain du même métal, et d'en découvrir un second.
Librairie Millepages
91, rue de Fontenay
94300 Vincennes
Tél; : 01.43.28.04.15.
Liens : Leonardo Padura
Chiennes de vies
Le coup de la petite histoire dans la grande, on connaît. Le coup des grandes histoires dans la grande relève d'un pari ambitieux que Leonardo Padura a tenu dans ce roman de plus de six cents pages. Surtout, ne pas avoir peur du poids. Du poids du livre j'entends. Le poids de l'histoire, c'est autre chose et c'est justement de cela dont il est question.
Première histoire, premier point de vue : celui de Trostki dont on suit l'exil de la Sibérie au Mexique, en passant par la Turquie, la France et la Norvège. On le voit survivre avec cette certitude que son sort ne tient qu'à un fil, ce fil tendu par le grand marionnettiste Staline. Deuxième histoire, justement, une des marionnettes de Staline : Ramón Mercader. Jeune communiste espagnol qui remet sa vie entre les mains d'un "instructeur" qui devient son mentor et n'a de cesse de changer de nom. Ramón Mercader qui fonce lui vers son destin de gloire : celui d'un homme façonné, déconstruit et reconstruit pour que se révèle en lui "un certain goût pour le mal" et qu'il découvre "le plaisir causé par la possibilité d'asservir des volontés, de faire peur, d'exercer un pouvoir sur les autres au point de les faire ramper devant soi". Si pour Aristote l'homme est un animal politique, pour Staline, l'homme est un animal dompté à sa politique. Et pendant des années, Mercader va être dressé dans un seul but : éliminer Trostski.
Le lien entre les deux récits se fait sur une plage, plusieurs décennies plus tard. C'est la troisième histoire de ce roman, celle du narrateur et seul personnage inventé : Iván. Ce dernier rencontre un homme qui se promène avec ses deux chiens et avec lequel il finit par nouer une étrange amitié. Pourquoi l'étranger lui raconte-t-il, à lui, la vie de Ramón Mercader en lui faisant promettre de garder le secret ? Qu'a-t-il à faire de l'histoire de ce criminel qui va finir par l'écraser ? Évidemment, Iván est ébloui par un phénomène d'attraction-répulsion pour cette histoire incroyable, celle-là même qui nous tient, nous, en haleine. Mais au fur et à mesure qu'il renonce, qu'il recommence et qu'il se met enfin à l'écrire, il se perd dans sa propre réalité d'écrivain cubain : "Plus qu'un perdant, j'étais un vaincu, et entre un état et l'autre, il y a - et il y aura toujours - un abîme de connotations et d'implications."
Bien entendu nous connaissons la fin, tout le talent de Leonardo Padura réside dans la manière de faire revivre ces personnages, de créer une empathie, de pousser à une compassion dérangeante. Il entraîne son lecteur dans un tourbillon de trahisons, de mensonges, d'exécutions, de propagande. Et ce triple regard : celui des hommes plongés au cœur du combat qui luttent pour un monde meilleur ou pour le pouvoir, celui de ces hommes qui commencent à douter, qui sont assaillis par la peur mais ne peuvent plus reculer ("C'est pour cela qu'on va continuer à nager, mais qu'au final, nous arriverons morts sur le rivage...") et enfin, celui désabusé et ahuri des hommes qui ont compris qu'ils ont vécu dans le mensonge, qu'ils ont tué pour le mensonge et qu'ils sont à jamais prisonniers de ce mensonge.
Citation
... au fond de leurs yeux, j'ai découvert deux sentiments que les salauds ne peuvent pas dissimuler : la peur et le mépris.