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Grand format
Réédition
Tout public
Paris : Futuropolis, octobre 2011
244 p. ; illustrations en noir & blanc ; 27 x 20 cm
ISBN 978-2-7548-0662-6
Saint-Barthélémy des temps modernes
Lorsqu'en 1984 Didier Daeninckx écrit Meurtres pour mémoire, il ouvre une brèche dans l'histoire avec un tout petit "h" française. Son roman, amené à devenir un classique de la littérature, est le fruit de l'enquête d'un romancier révolté contre les agissements d'un gouvernement français qui n'a strictement rien appris du passé.
Tout débute le 17 octobre 1961. Un jour somme toute normal. Jacques Brel va faire sa générale à l'Olympia ; Ray Charles est annoncé au Palais des Congrés ; Les Canons de Navarone avec Gregory Peck, David Niven, Anthony Quinn, Stanley Baker et Anthony Quinn est à l'affiche du Rex, métro Bonne Nouvelle. Pourtant, la communauté des Algériens en France est révoltée. Non respectés, victimes d'un couvre-feu inique, ils entendent manifester pacifiquement dans les rues de Paris. Réclamer cette liberté fièrement proclamée dans la Déclaration des Droits de l'Homme. Ce sera sans compter sur les forces de l'ordre qui feront preuve d'une violence et d'une sauvagerie insensée pour remettre ce monde à sa place. Bilan plus de deux cents morts dans une indifférence quasi-générale. Le Palais des Congrès est réquisitionné pour parquer des Algériens tous plus amochés les uns que les autres. Tout juste si l'on n'entend pas Ray Charles regretter de ne pas être sourd en plus d'aveugle. La RATP a mis au service des CRS ses bus pour convoyer des milliers de prisonniers algériens vers un nouveau destin loin de celui qu'ils espéraient. Tout juste si les journaux le lendemain titrent sur cette soirée honteuse en minimisant odieusement le nombre de victimes. Il faudra attendre les travaux de Benjamin Stora, historien sur les affaires algériennes, le recensement affreux des victimes par Jean-Luc Einaudi, autre historien, et ce roman de Didier Daeninckx pour réveiller quelques trop maigres consciences.
Perdu dans cette nasse historique, Roger Thiraud, professeur de son état, observe du bas de chez lui ces manifestants victimes des représailles sanglantes des CRS sans même avoir conscience qu'un CRS, justement, se glisse derrière lui pour l'abattre de sang-froid. Vingt ans plus tard, son fils, Bernard, qui suit des études d'Histoire, est sauvagement abattu dans les rues de Toulouse au sortir des archives municipales. L'inspecteur Cadin mène alors une enquête méticuleuse, renoue avec un ancien camarade aujourd'hui aux RG, fait un détour par la Belgique pour visionner un film de la RTBF tourné dans les rues ensanglantées à l'époque, débusque le tueur de Roger Thiraud, démêle des fils de l'ignominie française.
En 1991, les éditions Futuropolis proposent Meurtres pour mémoire en roman graphique illustré magnifiquement par Jeanne Puchol. L'ouvrage n'était plus disponible. Pour commémorer le cinquantième anniversaire de cette tache rouge dans l'Histoire de France, ce beau livre est réédité. Un bien bel objet pour un bien triste roman écrit sèchement avec le goût de l'amertume. Et c'est ainsi que le roman noir social accomplit son œuvre de témoignage.
Illustration intérieure
On devine Didier Daeninckx sous les traits du réalisateur belge Deril.
On en parle : Carnet de la Noir'Rôde n°44
Citation
Vous n'avez pas hésité à dénoncer votre propre fils ! Que peut-on exiger de plus d'un fonctionnaire de police ?