Contenu
Octobre noir
Grand format
Inédit
Tout public
Postface de Didier Daeninckx
Laurent Houssin (coloriste)
Jean-Luc Einaudi (document)
Anthy-sur-Léman : Ad Libris, septembre 2011
60 p. ; illustrations en couleur ; 32 x 24 cm
ISBN 978-2-918462-11-8
Violence rouge sang
S'appuyant sur son roman Meurtres pour mémoire, Didier Daeninckx a écrit un scénario qui reprend les événements du 17 octobre 1961, lorsqu'une manifestation pacifique d'Algériens en France est réprimée dans le sang, mais qui se focalise sur une famille d'Algériens totalement intégrés. Le fils, Mohand, vit une belle histoire d'amour musical au sein d'un groupe de rock en compétition avec Les Chaussettes noires, d'Eddy Mitchell. La fille, Khelloudja, va être une des nombreuses victimes d'une Saint-Barthélémy des temps modernes (je sais, j'ai déjà utilisé le terme dans ma chronique de Meurtres pour mémoire).
L'intrigue tend à mélanger la petite histoire dans la grande Histoire avec pour résultat un destin mythologique. Car le père de Mohand insiste pour que son fils participe à cette manifestation. Que le fils est partagé entre son avenir et son devoir familial. Qu'il décide de ne pas décevoir son père mais de trahir sa confiance. Profitant de la cohue dans le métro, il s'éclipse pour retrouver les autres membres du groupe de rock et pour concourir victorieusement. Hélas pour lui, il n'aura pu protéger sa sœur, incarnation de Fatima Bédar à qui Didier Daeninckx rend un brillant hommage, que l'on retrouvera quelques jours après un massacre de plus de deux cents victimes, sur les bords de la Seine.
Ce scénario, dessiné par Mako dans un Paris pluvieux annonce très vite la couleur : rouge sang comme les CRS massés aux orées du Grand Boulevard ; rouge sang comme le fond de la scène musicale ; rouge sang comme la violence qui déferle sur des manifestants non armés, projetés au sol, matraqués à mort, écrasés par le poids des rangers. Une violence détonante dans une ville de Lumière avec un final en forme de revanche baigné d'une douce utopie. Une fois n'est pas coutume, la bande dessinée s'offre une préface précise de l'historien Benjamin Stora qui nous plonge crûment dans l'horreur annoncée, et se termine par trois pages qui sont autant de stèles sur lesquelles sont gravées noir sur blanc les noms des victimes certifiées.
Cette bande dessinée est poignante de réalisme. La note qui l'accompagne est méritée, non à cause du pathos qu'il s'en dégage, mais bien grâce au scénario de Didier Daeninckx et à la parfaite maîtrise picturale de Mako. Ce n'est donc pas une note parce qu'il est bien pensant, cinquante ans après, de s'indigner. L'indignation telle quelle ne sert à rien. Il faut se rappeler l'Histoire afin qu'elle ne se répète pas.
Illustration intérieure
Rouge sang comme ces CRS à la violence non contenue...
On en parle : Carnet de la Noir'Rôde n°44
Citation
L'indépendance est la fille de la dignité.