Contenu
Faits divers, poèmes policiers
Grand format
Inédit
Tout public
Dans crime, il y a... rime !
Un recueil de poèmes policiers... Vous y croyez, vous ? Moi, lorsque j'ai vu le volume sur le stand de l'auteur, au dernier salon parisien de la revue, honnêtement, je n'y ai pas cru. Mais je me suis quand même laissé tenter car le pari, avouons-le, ne manquait pas de culot : croiser polar et poésie... Et j'ai bien fait car ce petit livre ne manque pas de charme...
... ni de mérite. Car pour réussir à pondre des poèmes dignes de ce nom sur des thèmes tels que "La Commission rogatoire", "Le Juge d'application des peines" ou "La Médecin légiste" (tellement jolie qu'aucun cadavre ne lui résiste), il faut tout de même posséder un certain talent. Et du talent, Jean-Pierre Lesieur, poète de son état et grand maître organisateur de la revue "Comme en poésie", n'en manque pas. Les envolées poétiques sont au rendez-vous de ces "Archives de la police poétique" (police poétique... bel oxymore, non ?) : "Pour un beau cadavre / C'est un beau cadavre / tous les voisins du quartier / veulent le voir ainsi mort / pour garder le souvenir / de l'homme qu'il ne fut pas." Ou encore : "Personne n'a assisté au crime. / Sauf un couple de bouvreuils / qui couvaient dans les branches / mais comment les faire avouer."
L'humour est là aussi, omniprésent, à mi-chemin entre Pierre Dac ("Il se fout complètement et occidentalement / De ce cadavre qui le regarde") et Boris Vian ("Le mystère s'épaissit / Il était trop maigre" ou "Il fit appel aux polices de caractères / Pour résoudre l'énigme du roman"). Allez, rajoutez une pincée de Prévert pour faire bonne mesure ("La magistrature assise / La magistrature debout / Se partagent le même siège / Alternativement") et le compte sera bon.
L'énigme, par contre, apparaît un peu mince. L'auteur n'a de toute évidence pas souhaité s'enfermer dans un scénario parfaitement huilé pour se concentrer plutôt sur la mise en place d'une atmosphère, d'une ambiance générale. Il y a bien un mort, au début, dont on apprend, au détour d'une strophe qu'il était doté d'un "énorme pénis entre l'éléphant et le dromadaire", mais les tenants et les aboutissants de son brutal trépas restent flous. Il y a aussi deux commissaires, qui se succèdent à la tête de l'enquête, quelques suspects et plusieurs coupables potentiels (je ne vous dévoilerai bien sûr pas la fin de l'histoire), mais on ne peut pas à proprement parler d'intrigue car toutes les pièces du puzzle ne sont pas faites pour s'ajuster impeccablement. À tel point que certains poèmes ("Meurtre politique" par exemple) semblent avoir échoué dans ce recueil complètement par hasard.
On peut juste regretter que Jean-Pierre Lesieur n'ait pas complètement cru lui-même à son projet qu'il semble avoir conçu plus comme une agréable blague que comme une œuvre à proprement parler. Il s'est sans doute bien amusé à écrire son ouvrage (il le reconnaît d'ailleurs dans sa préface) et nous prenons nous aussi du plaisir à le lire, mais l'ensemble aurait gagné à être un peu moins désinvolte, plus travaillé, plus peaufiné.
Allons, ne boudons pas notre plaisir. La tentative était originale et le résultat parfaitement honorable, c'est l'essentiel.
Vous pouvez retrouver toutes les chroniques à L'Heure des comptes !
Citation
Pour un beau cadavre / C'est un beau cadavre / tous les voisins du quartier / veulent le voir ainsi mort / pour garder le souvenir / de l'homme qu'il ne fut pas.