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Les Grandes plaidoiries : archives et documents pour l'histoire, de l'affaire Calas au procès Pétain
Grand format
Inédit
Tout public
Jean-Yves Le Borgne (avant-propos)
Paris : La Martinière, octobre 2011
176 p. ; illustrations en couleur ; 31 x 24 cm
ISBN 978-2-7324-4766-7
Un noyau d'avocats
Ce beau livre sous coffret s'ouvrant sur un avant-propos du Bâtonnier et du Vice-Bâtonnier de l'Ordre, avec photographie couleurs et signatures en bas de page donne une première impression très papier-glacé-conseil-général. L'introduction et les textes ont été rédigés par Yves Ozanam, archiviste de l'Ordre. Nul doute que nous tenons en main le cadeau de bienvenue des avocats entrant en première année. Le marron austère et les faux fers brillants, le titre et surtout le coffret enfermant l'ouvrage, pourraient faire croire que nous nous trouvons devant une compilation de plaidoiries de procès politiques. Horreur suprême quand on sait qu'une seule plaidoirie dure en moyenne quatre petites heures ce qui, d'après nos habiles calculs, se traduit par soixante pages de mille cinq cents signes. Les dix-sept plaidoiries de l'ouvrage totaliseraient donc au minimum 1020 pages d'envolées lyriques. Rassurons les lecteurs tout de suite : il n'en est rien. L'ouvrage est au contraire très illustré de notes de plaidoiries, de photos, de caricatures et d'autres documents aérés par une typographie claire, espacée avec des marges conséquentes.
Comme l'explique Yves Ozanam dans son introduction : "la plaidoirie de l'avocat appartient par nature à l'oralité des débats judiciaires et ne supporte pas toujours avec bonheur le passage à l'écrit". Chaque dossier succinct rappelle donc les faits et les enjeux, et cite seulement quelques phrases de la plaidoirie. Les avocats ont plusieurs méthodes mais le plus souvent ce sont des notes plus ou moins détaillées (le futur président Poincaré écrit presque tout) qui vont leur servir lors des procès. Voici donc des reproductions couleurs avec, souvent, force phrases soulignées. Une pochette marron à rabat propose, en outre, quelques documents annexes (une action du Canal du Panama, trois cartes postales humoristiques sur le procès de Mme Caillaux, deux articles de journal sur le procès Villain, l'assassin de Jaurès etc.). L'ouvrage s'ouvre sur la réhabilitation de Calas à laquelle a participé Voltaire. L'homme, protestant, fut accusé d'avoir tué son fils qui voulait se convertir au catholicisme alors qu'il s'agissait probablement d'un suicide. Celui qui fut torturé, roué et étranglé en 1762 est réhabilité, et sa famille dédommagée deux ans plus tard grâce aux mémoires que publièrent les avocats sous la pression de Voltaire. La plaidoirie proprement dite va apparaître pendant la Révolution française avec ce paradoxe pour l'avocat : comment défendre Marie-Antoinette, comme Me Claude-François Chauveau-Lagarde, sans être accusé d'être un royaliste et de finir aussi sur l'échafaud ? On trouvera maintes illustrations de cet exercice de voltige dans l'ouvrage. Par exemple, Me Ribet défend Daladier contre Vichy pendant le procès de Riom (1942) puis, lors de l'épuration en 1945, le savant collaborateur Georges Claude. "L'avocat est d'abord une voix, celle qui s'élève dans les prétoires lambrissés, pour défendre l'homme que les soupçons menacent ou la victime que la douleur accable", nous assènent messieurs Castelain et Le Borgne dans l'avant-propos.
"Rien ne pourra faire revivre les grandes plaidoiries, ces trésors emportés par l'oubli. Que les traces écrites, qui soutiennent dans l'ombre ces discours disparus, soient ici retrouvées." On regrettera que l'objectif déclaré de mettre à jour technique et rhétorique de l'art de la plaidoirie soient ici impossible à atteindre à partir de quelques citations et d'une repro couleurs. On regrettera aussi que les documents annexes en pochette ne soient que des impressions quelques fois illisibles sur le même papier que le livre. Quand on voit le travail fait par Larousse dans ses "Documents de l'Histoire" (Les Grandes Affaires Criminelles), avec fac-similés de journaux, de photos, de lettres, de cahiers tous sur papier adéquat, on se dit qu'ici c'est un matériel qui aurait eu tout à gagner à être plutôt inclus dans le corpus. Mais l'ouvrage, outre sa maquette séduisante, a le mérite de sortir de l'anonymat les avocats des grandes causes : Berryer père pour le Maréchal Ney, Berryer fils pour Cambronne, Henri Barboux pour les escroqueries des De Lesseps père et fils lors de la construction du Canal de Panama, Fernand Labori pour les défenses de Mme Dreyfus et de Zola, Albert Salle pour le traître Bolo Pacha fusillé en 1918 et Jacques Isorni pour le Maréchal Pétain qui clôt l'ouvrage d'une façon un peu boiteuse puisque cet avocat s'impliqua personnellement pour la réhabilitation de Pétain pendant toute sa vie et eut toujours des liens étroits avec l'extrême droite ce qui tend à infirmer le principe que l'avocat est juste la "voix".
Citation
Dans son exorde, Me Albert Salle ne craint pas d'affirmer qu'un doute existe sur la prétendue traîtrise de Bolo et que ce doute est de nature à motiver son acquittement.