El Bronx

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Roman - Noir

El Bronx

Urbain MAJ lundi 13 février 2012

Note accordée au livre: 4 sur 5

Poche
Réédition



Prix: 8,5 €

Jerome Charyn
El Bronx - 1997
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Marc Chénetier
Paris : Rivages, février 2012
252 p. ; 17 x 11 cm
ISBN 978-2-7436-2311-1
Coll. "Noir", 852

Isaac Sidel et le mythe de Sisyphe

Le Yankee Stadium est d'une certaine effervescence car la grève règne et le Bronx grogne. Isaac Sidel, l'ancien commish de New York devenu maire, connu sous le sobriquet Le Gros Type, n'entend pas que ça dégénère. Quand on a survécu au ver solitaire des frères Guzman, la drogue, les gangs et les flics pourris ne font pas peur même si l'on est le maire le moins respecté de tous les temps. Il va mettre au pas les joueurs de base ball et leurs revendications saugrenues. Plus il s'éloigne des machinations politiques, plus elles s'évertuent à le rattraper. Le ver a élu domicile dans la Grosse Pomme, qui n'est plus alors qu'un fruit vérolé par Tolstoï, Dostoïevski, Pouchkine et Tchekhov.

Les aventures d'Isaac Sidel, sous la plume de Jerome Charyn, c'est un joyeux foutoir romantique. Quelque chose qui au premier abord est totalement chaotique. La commedia dell'arte à la rencontre du picaresque russe en terre américaine. Un melting pot littéraire foisonnant et fusionnant. Le livre reposé, on comprend que l'on a tenu entre les mains une intrigue simple, policière et bien ficelée. Un complot politico-politique universel. Mais c'est avant tout parce que Sidel erre dans un monde onirique, fable absurde, démoniaque et jubilatoire, que l'on accepte de s'embarquer dans El Bronx.

Dans l'univers de Charyn, les erreurs se répètent et Sidel, Sisyphe en puissance, est lié pieds et poings depuis maintenant quelques romans à sa fille Marylin la Dingue, mariée déjà onze ou douze fois, qui s'acoquine avec ses lieutenants, qui est hantée à jamais par le spectre de Quatre-Z'yeux que Sidel alors Commish avait sacrifié sur l'autel de sa vanité sans même penser qu'après un tel coup fourré le ping pong se ferait la malle. Dans El Bronx, c'est Barbarossa qui a été enlevé. Alors, il n'a pas le choix.

Il doit se débrouiller seul. Affronter le Mal sur son terrain de prédilection. S'enfoncer dans le Bronx seul afin de remuer la merde, de forcer les rats à sortir de leur trou, d'ameuter les journalistes et les forces de police spéciale. Enfin, d'être ce qu'il a toujours été : un justicier qui a la foi et les foies, qui traine sa misère et n'a pas peur d'affronter la mort car mort il l'est déjà, depuis que Margaret Tolstoï, l'amour de jeunesse cristallisé, n'est plus vraiment de son monde à lui. Mais il doit composer avec Aliocha qui peint les morts sur les murs du Bronx, avec son programme Merlin pour sortir les enfants défavorisés de leur misère, et de sortir vainqueur d'une arène où se trouvent Billy le Kid, le tsar du base-ball, sa femme, Fantomas et des Apaches incontrôlables...

Brillant, imaginatif, absurde et poétique à la fois, dans une langue et un univers propres à Jerome Charyn. El Bronx est une parcelle d'évasion littéralement jouissive et littérairement perturbante.


On en parle : Carnet de la Noir'Rôde n°45

Citation

- Isaac, comment le dernier romantique qui reste sur terre a-t-il fait pour devenir maire de New York ?
- Ça, c'est la politique. les gens adorent le type qui n'a pas très envie de se présenter. Je pourrais foutre un bazar pas possible.

Rédacteur: Julien Védrenne lundi 13 février 2012
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