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Room Service
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit du néerlandais par Hubert Galle
Paris : Le Seuil, juin 2012
416 p. ; 22.5 x 14 cm
ISBN 978-2-02-103599-5
Coll. "Policiers"
La complainte de la porno star
La reconversion n'est pas une étape facile dans la vie, surtout lorsque ça tombe sans prévenir. Bud Raven l'a compris, à ses dépens. Il était une star de films pornos reconnu pour son talent ou tout au moins pour une partie de son anatomie. Un accident est venu changer brutalement la donne. acute;&Etalon-vedette, ça passe beaucoup moins bien sur un écran avec la figure de Frankenstein. Alors Bud a tenté de devenir un pro des braquages, mais on ne peut pas exceller en tout alors il a dû assez rapidement endosser l'habit réservé aux détenus des prisons américaines. Cette phase incarcération, outre une certaine promiscuité et plus si affinités avec son codétenu, lui a permis de rencontrer sa nouvelle compagne avec laquelle il partage désormais sa vie. Il ne faut pas oublier de rajouter à la cohabitation la mère de cette dernière, catholique pratiquante intensive, et donc collectionneuse de crucifix acharnée. Nora, sa dulcinée, passant le plus clair de son temps en ligne à jouer aux échecs, fascinée de voir les pièces bouger toutes seules, Bud a pas mal de temps pour ruminer contre Archie Venice, son ex-producteur. Bud le tient pour l'unique responsable de son visage cabossé. Car, au cours d'une soirée très alcoolisée, il l'aurait abandonné l'obligeant à rentrer seul en voiture, et à se planter contre un platane planté au mauvais endroit. Donc pour Bud cette trahison a un prix. Il réclame à Archie la somme de cinquante mille dollars au titre du préjudice, un légitime dédommagement en quelque sorte.
Archie Venice a également une autre préoccupation : son fils de vingt-huit ans. À ses yeux, Larry est l'archétype du benêt fini, collant d'un peu trop près sa fiancée en la qualifiant de pisseuse égocentrique. Archie n'attend qu'une chose, c'est de s'en débarrasser et de l'envoyer retrouver sa mère à Hawaii. Mais en attendant il faut trouver des solutions temporaires. La première est son poste de pseudo-préposé repérage-décors sur le tournage de ses productions, un job créé sur mesure pour faussement l'occuper. La seconde solution est de le faire surveiller à longueur de journée par un spécialiste de la filature, le détective privé Jack Farrell. Le contrat court sur une période de trois mois, c'est une aubaine pour Jack. C'est bien rémunéré et ça parait plutôt facile pour un pro de la planque en Cadillac. Le seul hic c'est la chaleur suffocante des rues de New York à cette période mais, armé de canettes de thé glacé, Jack se sent vraiment capable d'assurer. Larry n'est pourtant pas prêt à débarrasser le terrain aussi facilement. Il a la solution magique. Il se rêve en réalisateur d'un super film porno. L'idée du scénario est géniale, enfin c'est lui qui le pense car en réalité...
Mais ce bienveillant constat était sans la rencontre fortuite du fils prodigue et de l'ex-star du porno. Et lorsqu'on sait que le grain de sable qui va enrailler cette belle mécanique à peine bien huilée est une splendide ampoule au pied d'un réalisateur allemand de films classés X, il est désormais possible de croire que, dans la vie, il suffit de pas grand-chose pour venir définitivement tout compliquer jusqu'au point de non retour.
Room Service est un véritable bon polar monté en farce tragi-comique. Elvin Post, une fois de plus, nous montre sa parfaite dextérité à bâtir une histoire sur une accumulation de détails loufoques pour, au final, en faire un roman délirant et surtout prenant. Il nous balade dans le cocasse et l'absurde en plantant l'action de son livre dans un New York saturé par la chaleur. L'univers du cinéma pornographique n'est pas pointé du doigt comme un milieu obscène mais est plutôt montré de façon grotesque, à l'image de ce producteur un brin ringard dans son total look cuir noir qui pourtant caracole dans le peloton de tête de l'industrie X américaine. Elvin Post prend le temps de mettre en place toute sa galerie de personnages pittoresques afin d'en avoir en tête la meilleure visualisation possible. Il met également en forme son intrigue pour la faire aller crescendo et accélérer l'action jusqu'au moment ultime où tout va se mettre à dérailler. Room Service est construit comme un feu d'artifices, les bons moments hauts en couleur se succèdent, et tout finit en bouquet final extraordinaire éclatant en tout sens de mille feux.
S'il en fallait encore une, Elvin Post est la preuve qu'un auteur de romans policiers peut faire rire, Room Service en est un très bel exemple.
Citation
Finalement, la vie n'était qu'un long film porno : suffisait de l'avoir dure au moment crucial.