Contenu
Le Monde : les grands procès, 1944-2012 : 100 audiences exceptionnelles
Poche
Réédition
Tout public
Préface de Laurent Greilsamer
Pascale Robert-Diard (avant-propos)
Didier Rioux (avant-propos)
Paris : Pocket, novembre 2012
904 p. ; illustrations en noir & blanc ; 19 x 13 cm
ISBN 978-2-266-23102-2
Coll. "Non-fiction", 15387
Le monde du crime et des affaires
Pocket a édité en poche cette anthologie thématique du journal le Monde, parue à l'origine aux éditions des Arènes. Ce petit pavé d'un peu plus de neuf cents pages intelligemment imprimé avec une reliure et un papier très souple est, de plus, truffé de photos pleine page légendées qui nous font replonger au cœur de nombreuses affaires.
Entre sa préface concise et ses biographies des journalistes, beaucoup de noms qui ont eu la faveur des Unes. Pour le crime : Marie Besnard, Dominici, le curé d'Uruffe, Lucien Léger, Ranucci, Mesrine, Empain, Vuillemin, Simone Weber, Florence Rey, Guy Georges, Émile Louis, les Fourniret... Pour les crimes de guerre : Laval, Pétain, Touvier, Papon, Barbie, les tueurs d'Oradour. Sans oublier les crimes et magouilles politiques (De Broglie, Action Directe, Michel Noir, les Tibéri, Elf, Yann Piat, le sang contaminé, les écoutes de l'Élysée), les faits divers retentissants (la profanation du cimetière de Carpentras, le scandale d'Outreau, les caricatures de Mahomet) et les petits méfaits des riches (les frères Chaumet, Johnny, Aznavour, Virenque). Le recueil s'intéresse aussi à des procès de gens simples touchant des phénomènes de société comme Véronique Courjault et ses bébés congelés ; cet octogénaire qui étrangla sa femme atteinte de la maladie d'Alzheimer, ou cette session entière de jugements passionnants dans des divorces difficiles.
De longueur inégale, certains comme ceux de Barbie, sont très longs et détaillés, d'autres plus concis. En fait, le lecteur ne doit pas s'attendre à un topo complet sur le avant, le pendant et le après. Ni à une analyse de l'enquête. Chaque récit est plus une focalisation sur un ou des moments-clés du procès. Par exemple, celui où Guy Georges craque et avoue ses crimes, celui où Émile Louis, buté fait quelques commentaires, celui ou Myriam Badaoui avoue qu'elle a menti après des années d'incarcération des accusés d'Outreau. Plus anecdotiques, le portrait de Mme Pitou, ancienne postière et accusatrice numéro un de Marie Besnard tout comme ceux de Mme Billy, vieille maquerelle chic ou Mme Janine tenancière de bordels à légionnaires. Les récits concernant les crimes de guerre sont axés sur les témoignages poignants des survivants comme ceux d'Oradour qui nous font vivre ces heures horribles.
Les remarquables journalistes ont tous un coup de patte personnel. Les portraits pittoresques des chroniqueurs plus anciens comme Jean-Marc Théolleyne (la star des journalistes judiciaires du Monde) vont s'effacer au profit de touches plus impressionnistes prenant en compte les rapports entre l'accusé, le juge, les avocats voire le jury. Pour l'exemple, on prendra l'article "Huit semaines avec les Fourniret", le seul article dans l'ouvrage de Yves Bordenave. Ces cinq pages débutent avec "un grand, un vrai fou rire qui a secoué la salle d'audience tout entière, le président Gilles Lapatie en tête, les avocats, parties civiles et défense confondues, les familles des victimes, les journalistes, le public". Le journaliste détaille la source de ce fou rire (un commentaire d'un ancien compagnon de Monique Olivier) : contre-poids à l'épouvante qui se bâtit inexorablement au fur et à mesure des témoignages. Il parvient, sans avoir recours à la moindre ficelle mélodramatique, à balayer l'univers clos de ces moments où l'on doit tout dire et tout entendre au risque d'y laisser un peu, voire beaucoup de soi-même. Un récit terrifiant qui touche au cœur même de la justice qui doit comprendre avant de punir.
Citation
En écrire la chronique quotidienne exige de faire le tri dans l'abjection des récits, de choisir les mots qui préserveront au mieux la dignité des victimes et de leurs proches. De mettre de la pudeur dans l'obscénité, des mots sur l'indicible, de montrer sans voyeurisme.