Contenu
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Marc Chénetier
Paris : Mercure de France, octobre 2012
266 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-7152-3242-6
Coll. "Bibliothèque étrangère"
Cruauté réaliste
En 1973, avec Zyeux bleus, puis en 1974 avec Marylin la dingue, Jerome Charyn entame une prodigieuse série policière orchestrée par Isaac Sidel, commissaire juif de New York. Maryline, c'est la fille adorée et incomprise du commissaire, l'amoureuse transie de Zyeux bleus, l'adjoint du commish sacrifié sur l'autel des Guzman, mafieux et assassins invétérés. Depuis, ce héros de Jerome Charyn a fait du chemin. Il a arpenté onze romans. Le commissaire s'est emparé de la mairie et, là, dans Sous l'œil de Dieu, des politiques qui manient le calcul en abyme lui imposent pas moins que la vice-présidence des États-Unis avec dans l'idée d'éliminer le Président pour que Sidel se retrouve à la Maison Blanche.
Intrigue loufoque ? Absolument pas. Ce roman est même limite kafkaïen, et est une critique pure et dure de ce que la société américaine - avec ses administrations lourdes et inutiles, et ses départements iniques de la CIA au FBI a produit de plus malsain. Car, pendant que le commissaire, cent pour cent électron libre et pourtant manipulé, poursuit ses rêves et ses amours de jeunesse - une splendide créature immortelle et la tête rasée, et le quartier du Bronx -, c'est un tout autre combat qui se conduit en coulisse avec des destins qui se font et se défont, des crimes instrumentalisés, et des complots exploités. Sidel ne veut pas être Président car il sait qu'il n'aura aucun pouvoir et, surtout, qu'il est une utopie vivante. Alors il traîne sa carcasse dans les débris fumants d'un Bronx que l'on entend démanteler, il adopte deux enfants, se promène en car de meeting en meeting, et se retrouve implacablement sous l'œil de Dieu. C'est ainsi qu'est surnommé ce tueur à gages qui vise très mal.
L'intrigue parait foutraque comme l'est la ville américaine de New York ; les dialogues absurdes et incompréhensibles (surtout pour le lecteur qui n'a pas suivi les déambulations d'Isaac Sidel depuis le début), mais il se dégage une douce poésie de cette écriture au double héritage russe et nord-américain de Jerome Charyn. Surtout, il y a une logique évolutive poussée à l'extrême de ce que peut être le rêve américain dans toute sa désacralisation. Loin du mythe du vendeur d'allumettes qui devient président, Sidel symbolise le refus du retour du rêve dans le giron de la réalité crade. Sidel c'est un Don Quichotte qui aurait oublié de se laver, c'est un diamant brut protégé par ses couches de saleté balancé dans la nature. Un homme condamné s'il n'y prend garde à finir dans un hôpital psychiatrique. Un homme qui provoque les événements comiques et tragiques sans souci du lendemain. C'est sûrement pour cela qu'on l'aime tant...
On en parle : Carnet de la Noir'Rôde n°55
Citation
Mais non, je t'ai juste un peu facilité la vie. Tu avais tout ce qu'il fallait. Une espèce de cruauté honnête.