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Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Anatole Pons
Paris : Gallmeister, avril 2018
240 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-35178-148-7
Coll. "Americana"
Universalité du charlatanisme
Remarqué en 2016 avec Corrosion, un premier roman détonant, Jon Bassoff nous propose une réplique sismique fort intéressante et non moins corrosive. Inspirée d'un personnage réel, l'intrigue des Incurables nous plonge dans l'Amérique des laissés-pour-compte des années 1950 en compagnie d'un neurologue qui propose ses services dans les foires. Les incurables ce sont tous ceux qui souffrent, quels que soient leurs maux, et que prétend soigner le docteur Freeman avec l'aide d'un pic à glace et d'un marteau. Ce fervent adepte de la lobotomie transorbitale n'en a pas moins été exclu de l'hôpital psychiatrique dans lequel il a trop longtemps sévi, et il s'est enfui sur les routes accompagné de son dernier patient, Edgar Ruiz, un jeune homme qui a trucidé toute une famille alors que résonnait l'air de Jésus Christ est ressuscité. Freeman débarque dans la petite ville de Burnwood dans l'État de l'Oklahoma. Mais il n'est pas le seul à vouloir vendre sa camelote aux gens sans le sou. Il y a également Stanton, qui prétend que son fils est le messie. C'est pourquoi il lui fait porter une couronne d'épines et lui fait endurer mille tourments. Parmi les badauds, Scent, une jeune fille paumée, qui se prostitue, tue et entretient sa mère qui vit dans le souvenir de son amour de jeunesse et d'un magot caché dont elle seule connait l'emplacement. Scent, c'est un peu la Marie-Madeleine du XXIe siècle pour un messie désabusé et puceau. Une Marie-Madeleine corrompue et meurtrière, qui excuse ses gestes du mieux qu'elle peut. À sa décharge, elle en bave pas mal, et les hommes ne sont pas des tendres et encore moins avec elle puisqu'ils peuvent s'octroyer le droit de penser que leurs pulsions les plus violentes seront les bienvenues. Elle en a d'ailleurs buté deux. Et le second se révèle avoir une fratrie sanguinaire armée de machettes avec à sa tête Grady Holland, un gars qui chique du tabac tout en lisant la philosophie de Kirkegaard. La tragédie urbaine qui se dénoue sous nos yeux est comme toutes les tragédies. Il y a une profonde histoire d'amour (ou pseudo, c'est selon) contrecarrée par des événements et des personnages. Il y a également un rappel incessant à la théologie chrétienne (le père potentiel de substitution du messie est un prédicateur qui manie le marteau de charpentier, métier de Joseph ; Scent est la Marie-Madeleine du messie, on l'a déjà dit, et les plaies nombreuses qui s'abattent sur la ville comme des sauterelles sont autant de points de concordances). La société que décrit Jon Bassoff est une société de solitaires en recherche de réponse, et il semblerait bien que seuls les charlatans lui apportent une réponse (forcément biaisée). Le final est évidemment noir, et certains des personnages que l'on voudrait voir sauvés, ne le seront pas. C'est une des constantes du roman noir. Et Les Incurables en est un exemple typique !
Citation
Stanton avait déjà fait des prophéties auparavant, et aucune ne s'était réalisée. Mais Durango ne pouvait s'empêcher d'y croire, juste un petit peu. Non pas parce qu'il le prenait pour un prophète, mais parce que c'était son père.