Mamie Luger

Je sentais bien qu'elle acceptait à contrecœur, qu'elle ne me parlait que pour répondre à mes questions de père encombrant ; aussi avais-je espacé les appels, et renoncé pratiquement à l'inviter. Je rongeais mon frein tout seul, j'essayais de m'habituer à cette séparation d'avec elle en invoquant la liberté de chacun de mener sa propre vie, quelle que fût la solitude que cela impliquait.
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Roman - Noir

Mamie Luger

Social - Tueur en série MAJ mardi 31 mai 2022

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 16 €

Benoît Philippon
Paris : Les Arènes, mai 2018
450 p. ; 19 x 13 cm
ISBN 978-2-35204-732-2
Coll. "Equinox"

Vieille dame "indigne"

Mamie Luger est une vieille dame de 102 ans qui a son franc parler et qui surtout a décidé de n'en faire qu'à sa tête depuis sa prime jeunesse (c'est dire si ça remonte à loin). Quand quelqu'un l'embête de trop, elle le liquide et l'enterre dans sa cave. C'est ainsi qu'elle a procédé avec quelques époux ennuyeux, voire un officier allemand qui avait essayé de la violer (elle a conservé son arme d'où son surnom). Dans ce roman, elle vient de recueillir pour quelques heures un couple. La femme était battue. L'amant a tué le mari et ils sont en fuite. Ceux qui ont lu Cabossé, précédent roman de Benoît Philippon connaissent déjà les trois protagonistes. Les deux amants se reposent un peu chez mamie Luger, et lorsqu'ils partent, la vieille dame fait le coup de feu contre son voisin, afin d'attirer l'attention de la police. Tandis qu'elle va raconter sa vie en détail et que chaque heure, les services de police qui fouillent sa maison préviennent l'inspecteur qui l'interroge d'un cadavre supplémentaire retrouvé dans la cave, les deux tourtereaux ont le temps de s'enfuir un peu plus loin. Raconté avec verve, la trajectoire de Mamie Luger traverse le siècle. Féministe avant l'heure, n'hésitant à rien, amoureuse d'un soldat noir ce qui a suscité racisme et haine dans son village, la vieille dame continue son chemin, entre naïveté et cynisme, évoquant ses meurtres comme des événements naturels, comme les solutions les plus simples pour continuer à mener la vie dont elle a rêvé. Peu à peu, au fil des interrogatoires qui permettent de retracer, de manière à peu près chronologique, par flashbacks son histoire, l'inspecteur de police passe par toute la gamme des sentiments. Oscillant entre la répulsion et l'admiration, au fil des cadavres remontés à la surface, il relance le dialogue et permet à la vieille dame de raconter son histoire. Si Mamie Luger était un personnage secondaire de Cabossé, paru à la "Série Noire", elle devient ici le centre de l'attention. Servi par une idée simple qui tient assez bien la distance, Mamie Luger est une façon intelligente comme une autre de décrire le siècle et le féminisme à travers une personnalité atypique, roublarde affûtée, rendue par un rythme lui aussi roublard et affûté, où le lecteur sourit devant un texte dont Michel Audiard aurait pu nous présenter une adaptation réjouissante pour le cinéma.

Citation

Il a un trou dans le dos, un autre dans le cul, en plus de l'officiel. Merde, elle y a peut-être été un peu fort.

Rédacteur: Laurent Greusard jeudi 26 juillet 2018
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