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La Serpe rouge
Grand format
Inédit
Tout public
278 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-490746-63-7
Le Rouge et le Noir
Évidemment, ce livre vient après La Serpe de Philippe Jaenada (Prix Fémina 2017) qui lui-même venait après celui de Roger Martin, Georges Arnaud : vie d'un rebelle (2009), qui lui-même suivait Le Triple crime du château d'Escoire de Guy Penaud (2002), précédé Du crime d'Escoire au Salaire de la peur de Jacques Lagrange, de Mon Procès» (Minuit) de Georges Arnaud lui-même, et surtout du premier opus de cette affaire retentissante : L'Affaire Girard : compte rendu sténographique, tout le procès mot à mot saisi par des secrétaires sténographes pour Albin Michel et publié en 1945 et qui, sans aucun doute, est la pierre angulaire de tous ces livres. Toujours est-il que Nan Aurousseau, qui a fait plusieurs années de prison quand il était jeune avant de publier Bleu de chauffe, son excellent premier roman en 2005 chez Stock à partir de son expérience de chauffagiste, a toujours voulu raconter cette histoire criminelle dont Henri Girard est le triste héros avant de devenir le célèbre auteur du Salaire de la peur sous le nom de plume de Georges Arnaud (rien à voir avec l'auteur de polar/science-fiction Georges-Jean/G.-J. Arnaud). Nan Aurousseau s'est associé ici à Jean-François Miniac, auteur-historien d'affaires criminelles, qui a dû s'occuper des recherches, du découpage, et des talentueux dessins intérieurs à partir de photos d'archives. Rappel des faits : le 15 octobre 1941, Henri Girard arrive à Escoire où habite son père qui travaille au gouvernement de Vichy. Henri est un jeune homme fantasque à la vie dissolue, son père et sa tante l'ont souvent aidé. Au cours de la nuit du 24 au 25 octobre, le père d'Henri, sa tante Amélie et Louise Soudeix, une domestique, sont tués à coups de serpe dans le château familial dont toutes les issues étaient fermées. Henri, qui dort à l'étage à l'autre bout n'a rien entendu. Il donne l'alerte le matin aux gardiens du château, la famille Taulu (d'où vient l'arme du crime). Son attitude trop calme et son passé ne jouent pas pour lui. Il sera jugé et défendu par Maurice Garçon, ami de son père avant d'être innocenté.
Dans l'épaisse Serpe de Philippe Jaenada, l'auteur s'est complaisamment mis en scène dans sa vie quotidienne puis dans une sorte de rencontre fantasmatique avec Henri Girard/Georges Arnaud à travers ses recherches autour de cette retentissante affaire criminelle dont il désigne un autre coupable : le fils des gardiens. Ici, c'est l'acquittement en lui-même qui est mis en cause à travers le juge Hurleaux comme dans la thèse du commissaire Guy Penaud (d'après l'excellente fiche Wikipédia sur Georges Arnaud). Comme Philippe Jaenada, Nan Aurousseau entend marquer de son empreinte cette affaire en commentant les méthodes de la police et de la justice de cette époque, et en mettant aussi son expérience de prisonnier qui a connu, lui-même, au début des années 1970 des hommes qui avaient fait partie des Gestapo françaises ! "J'y étais presque moi sous l'Occupation, en embuscade dans les couilles de mon père, j'attendais la Libération, les années cinquante. Je suis né après mais qu'est-ce que j'en ai entendu parler." Il fait mention aussi de l'interview de Gérard de Villiers à qui Arnaud aurait avoué être coupable (!). L'affaire est bien détaillée et ses manquements mis en évidence avec la truculence de l'auteur. Le symbole de La Serpe rouge est sans doute l'élément le plus incroyable de ce livre : le syndrome d'Elpénor est celui des somnambules agissant hors conscience. Girard aurait-il frappé pendant son sommeil, la serpe rouge étant le symbole de sa mère morte qui avait de grandes sympathies communistes et qu'il adorait ?! En conclusion, ce roman n'est pas dans la lignée de L'Adversaire d'Emmanuel Carrère comme l'indique le dossier de presse mais bien dans celui de La Serpe de Philippe Jaenada avec implication de l'auteur, démarche moderne du True Crime à l'américaine. Ici l'orientation historique vise "un Paris en pleine Occupation et grouillant de nazis acoquinés avec la pègre". On aime aussi cette information du Arnaud revenant de son exil en Amérique du Sud "portant des chemises rouge sang. Sang de sa mère morte de pneumonie ? Sang des crimes commis au château d'Escoire ?" Où sont-ils allés chercher cela ? C'est un autre mystère.
Citation
À propos de la serpe, maître Garçon évoquera au procès la possibilité que René Taulu, fils des métayers logeant à quelques centaines de mètres du château, soit entré dans le château dans la journée du 24, se soit subrepticement emparé de la serpe pour l'affûter à la meule et soit revenu la nuit pour commettre les assassinats afin de faire inculper Henri Girard.