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HLM que j'aime
Fringuant septuagénaire installé à l'Isle-sur-Orgues après avoir monté une entreprise de taxis, puis de transport, Maximilien "Max" Duval reçoit un jour une lettre qui fait figure de souvenir du passé. Il s'agit du faire-part de Gaëtan Cholet, dit "Tutu" parce qu'il pratiquait la danse classique, ce qui lui valait sempiternellement d'être taxé d'homosexuel. Un membre d'une bande d'amis qui, cinquante ans plus tôt, usait ses fonds de culotte dans les cafés du côté de Cavaillon. René dit "La Rouille", un colosse, César l'instruit, Jacques dit "Nouyorque", l'ouvrier pâtissier, Roland et Max, bien sûr. Les années 1960, l'ère du "yéyé", des HLM qui n'étaient pas encore sinistres, des soirées en boîte, des mobs et déjà en filigrane la déflagration de Mai-68. Et aussi, pour Max, le souvenir de la belle Nadia la harki, et déjà, le racisme qui commençait à épandre sa gangrène. Toute une époque qu'il a mis derrière lui lorsqu'il s'est installé à Lyon et a acheté son premier taxi. Seulement, voilà, il a rompu tous les ponts. Comment peut-on avoir eu son adresse cinquante anées plus tard pour lui envoyer le faire-part alors que nul ne sait où il s'est installé ? Il entend bien se rendre à la veillée, d'autant que tous les autres du groupe sont morts. Mais on commence à lui envoyer des messages inquiétants qui éveillent sa paranoïa. Est-il vraiment surveillé ? Qu'est-ce qui l'attend lorsqu'il renouera avec son passé ? Et si tout ceci avait commencé un demi-siècle plus tôt, en pleine nuit, alors que les cinq amis de retour d'une soirée bien arrosée avaient fait une rencontre décisive...
Polar ou pas polar ? Si, comme Daniel Dupuy le dit dans sa préface, il a mis un poil de suspense homéopathique, la vérité est ailleurs : dans cette évocation, quelque part entre Jean Diwo et Cavanna, de toute une époque, celle des années 1960 : un temps ni meilleur ni pire (sauf pour cette solidarité des HLM qu'il décrit très bien), juste différent. Le tout ponctué par la vie ordinaire de ce vieil homme et de sa rencontre avec une dame tout aussi esseulée, ce qui propose des pages d'une grande finesse. Si l'on rejoint le genre, c'est après une surprise finale étonnante certes, mais relevant un brin de la rétention d'information, et qui semble provenir d'un autre roman. Sauf qu'une fois la surprise passée, on s'aperçoit que tout ce qui a précédé peut subir un éclairage différent à travers une confrontation finale digne d'un roman à énigme traditionnel. Le tout avec un très beau coda doux-amer qui donne encore un nouvel éclairage. De plus, ces 361 pages bien tassées sont sans l'ombre d'une longueur. On pourra regretter un style efficace mais parfois léger et (ce n'est pas la faute de l'auteur, mais de l'éditeur) pas mal de fautes de composition, mais ceux qui aiment ce genre d'évocation qui ne tombe jamais dans le "c'était mieux avant" peuvent (doivent ?) y jeter un œil.
Citation
Une espèce d'affection invisible et de solidarité connectaient tous les habitants entre eux. Jeunes et vieux. Instinctivement si l'un d'entre eux apercevait en quelque endroit de la ville l'une des personnes de la Cité en difficulté, il se portait à son secours parce qu'ils étaient de la même tribu. Ils résidaient dans la même Cité. Presque sous le même toit. On se devait secours et assistance. Comme une grande famille. Inconsciemment, l'appartenance à la Cité comportait des devoirs réciproques.