Contenu
Poche
Réédition
Tout public
190 p. ; illustrations en noir & blanc ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-264-08010-3
Coll. "Polar", 5748
Actualités
Une morte parmi plein d'autres
François Médéline nous propose avec La Sacrifiée du Vercors une histoire épurée sur l'épuration. Dans un style qui renoue avec les grands romanciers des années 1940-1950, il nous concocte une intrigue intimiste, simple, linéaire, sans trop de suspense, et où l'intérêt réside dans l'atmosphère singulière, presque ordinaire, et dans cet art de conter maîtrisé. L'action débute le 10 septembre 1944 dans le Vercors, et dure à peine plus d'une journée. On suit l'enquête "forcée" du Georges Duroy, commissaire de police près le délégué général à l'épuration. Ce commissaire dans la lignée de Jules Maigret, c'est-à-dire qu'il est débonnaire, observateur, impassible et inflexible, vient chercher une femme, la baronne Ehrlich, pour la transférer à Lyon où elle doit être jugée (sommairement) et condamnée à mort. Il va en croiser deux autres. Tout d'abord fugacement à vélo alors qu'il est au volant de sa 402. Elle se nomme Judith Ashton, elle est vivante, elle est journaliste américaine, jeune photographe de guerre, qui doit par la suite rejoindre le 517e régiment d'infanterie parachutée du lieutenant-colonel Ruper D. Graves, et le suivre jusqu'à Berlin. Évidemment, il va être question de sentiments et d'exacerbation dans un monde qui tarde à reprendre sa raison. On le sait dès les premières pages. C'est inéluctable. Mais ce n'est absolument pas le principal. Et puis il y a Marie Valette. Elle, c'est la morte, découverte près de sa robe bleue, tondue à la mode de la Libération. Dans une région où les faits de résistance ont une résonance toute particulière, la découverte de ce cadavre au crâne rasé n'est pas très sujette à question quant à sa signification. Pourtant, Marie Valette n'était pas une jeune femme avec mauvaise réputation. Et puis elle avait un petit ami dans la Résistance. Petit ami qui comme tous ses compagnons regarde d'un œil énamouré le lieutenant-colonel FFI Ulysse Anselme Wesser d'Alphonse dit Choranche. Lui, c'est le héros dans toute sa dramaturgie. Il n'existe qu'à travers l'Occupation et la Libération, mais avec le retour de l'ordre étatique, il est voué à disparaître. Alors, il joue sa dernière partition. Il protège ses hommes et en échange il bénéficie de leur amitié corporatiste. Ses relations avec Georges Duroy vont être tendues. Il va se mettre en travers de l'enquête. Mais Duroy n'est pas un tendre non plus, et dans un monde en quête de vérités, il souhaite ardemment débusquer le coupable de ce crime, qui ne doit pas rester impuni, et qui est l'image de tous les crimes commis à la Libération en marge du conflit (révélateurs de l'âme humaine). Une histoire simple, ordinaire avec des sentiments et des passions. Une histoire surtout qui marque l'esprit et qui, pour l'enquêteur, est aussi une question de sens. En permettant que justice soit rendue à Marie Valette, Georges Duroy remet l'Histoire dans le bon sens alors que dans le même temps François Médéline lui redonne ses couleurs - noires comme un borniol - naturelles.
Citation
Cinquante centimètres avant la chute, Judith s'immobilise alors que Duroy sait qu'il va basculer. Son système nerveux bloque sa respiration. Il est sur la ligne de démarcation entre les endiablés et les morts. Ça lui remonte des boyaux et son sphincter se relâche. Si près du trépas, autant se pisser dessus. Seule la main de Judith le retient à la roche.