Contenu
Poche
Réédition
Tout public
Traduit de l'anglais par Fabienne Gondrand
Paris : 10-18, juin 2023
452 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-264-08227-5
Coll. "Polar", 5870
Quand les nazis régnaient sur l'Angleterre
Le monde n'est absolument pas ce que l'on croit. Durant la Seconde Guerre mondiale, après l'invasion de la France, les Allemands ont pu négocier, suite à leur victoire aérienne sur l'Angleterre, et en accord avec leurs visions idéologiques, une forme politique pour le Royaume-Uni. De fait, le pays est devenu un protectorat, géré par Alfred Rosenberg, qui centralise les administrations anglaises, dans un système politique nommé ironiquement l'Alliance. Le roi a été écarté et est sans doute mort, et c'est son frère, qui avait abdiqué avant guerre, qui a pris sa place. D'ailleurs, nous sommes en 1953 et son couronnement se prépare dans une Grande-Bretagne où la population semble avoir accepter la situation, mis à part quelques attentats dont on évite de parler. D'un point de vue technique, il a été décidé de remettre les femmes à leur vraie place, et elles sont à présent découpées en strates ressemblant aux castes indiennes, leur donnant des fonctions spécifiques. L'héroïne du roman, Rose, fait partie de la caste supérieure et est chargée de relire les classiques pour les transformer afin qu'ils ressemblent à l'idéologie du parti. En revanche, à l'autre bout du spectre, il y a nombre de femmes déclassées, dont les "vieilles" épouses des Anglais morts à la guerre et qui ne sont pas assimilables, ni ne peuvent donner d'enfants à la glorieuse armée allemande. Ces dernières sont surnommées les "veuves" (le "widow" du titre) et vivent dans les quartiers eux aussi déclassés de la ville. Rose a une liaison avec un officier supérieur, qui est cependant marié avec une femme restée au pays. Mais il est prêt à la prendre comme deuxième épouse. Mais Rose vient d'être convoquée par un autre service car le couronnement qui va faire venir Hitler est terni par des graffitis féministes. Il faut donc aller enquêter chez les widows, et Rose doit s'en charger sinon on dénoncera son adultère. En parallèle, Rose découvre que des "terroristes" ont décidé de profiter de la venue du Leader pour l'abattre...
Dans la lignée de Fatherland, de Robert Harris, de Dominion, de C. J. Sansom ou de La Servante écarlate, le plus connu, de Margaret Atwood, le roman de C. J. Carey mixe une uchronie classique ("Que se passerait-il si les Allemands avaient gagné la bataille d'Angleterre ?") sur laquelle se posent les questions logiques : Comment réagit le peuple ? Comment est gérée la question juive ? Comment le roi réagira-t-il ? Peut-on lutter contre une dictature forte ? Comment s'y opposer ? Par allusions, petites descriptions qui montrent le décor sans insister, C. J. Carey offre un panorama intéressant, intelligemment mené, répond aux questions, propose une histoire qui parvient à doser entre les informations pour rendre vivant le monde nouveau qu'elle décrit. Le récit d'espionnage et policier sert d'armature, et on plonge dans les pensées de son personnage principal, coincé entre le fait de faire partie de l'élite et celui de par les lectures qu'elle fait de contester le pouvoir idéologique qui contraint les femmes. Tout en nuance, Widowland est une initiation intelligente et bien menée pour présenter une situation particulière au sein d'une intrigue qui sait être rythmée, avec des rebondissements intéressants, et qui sait parfois prendre le temps de décrire pour se faire apprécier du lecteur.
Citation
Un petit conseil : soyez à l'heure. En fait, je vous recommande d'arriver dix minutes en avance. L'Administrateur déteste le manque de ponctualité. Il voit les retardataires d'un très mauvais œil. Et personne n'a envie de déclencher sa colère.