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Ma vie des autres (58)
Courts récits de 1000 signes (58). Difficile de reculer maintenant. J'ai accepté d'aller au rendez-vous de Carmen, je ne peux pas me défiler, elle compte sur moi. Au départ, elle m'a dit que ce serait comme une réunion Tupperware où l'on présenterait des nouveautés autour d'un thé et de petits gâteaux. Je pouvais venir avec mon mari, les hommes étaient les bienvenus. Je n'en ai pas parlé à Greg, une question de pudeur sans doute. Je ne sais pas comment il aurait pris de se retrouver dans un groupe de femmes commentant les derniers gadgets sexuels à la mode pour filles, car il s'agit bien de cela, d'une réunion Tuppergode, comme dit Carmen. Je n'y connais rien en matière de sextoys, j'avoue que ça m'effraie un peu, mais Carmen que j'ai revue par hasard au centre de thallaso a su me convaincre. Elle m'a donné son catalogue, je l'ai feuilleté sans déplaisir. Il n'y a pas de quoi s'offusquer, c'est vrai. Des tabous sont tombés, tant mieux en fin de compte. Et puis, on n'est pas obligé d'acheter. Carmen organise ses rencontres une fois par mois chez l'une ou chez l'autre. Ça me fera du bien de bavarder avec d'autres femmes. Je sors si rarement. Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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