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Ma vie des autres (63)
Courts récits de 1000 signes (63). Je ne savais pas. Comment aurais-je été au courant, je ne suis là que depuis quinze jours. J'ai été bizuté, c'est normal. J'ai encore des bleus. J'ai prouvé que je n'étais pas une mauviette. Ils m'ont accepté comme l'un des leurs, mais pas assez pour me mettre au parfum de leur occupation de chaque fin d'après-midi. Heureusement. Sinon, j'aurais eu du mal à marcher avec eux. La fille, je l'ai vue traîner dans la caserne à plusieurs reprises. Je croyais qu'elle était la nièce d'un pompier, de mon chef précisément. C'est ce qu'on m'a dit. Elle habite dans un immeuble au bout de l'impasse. Elle est marrante avec ses dents de devant écartées. Je crois qu'on appelle ça les dents du bonheur. Tu parles d'un bonheur. La malheureuse petite. Quand mes trois collègues ont été interpelés, je suis tombé sur le cul. Alors, c'était ça leurs cachoteries. Leurs saloperies, oui, plutôt. On les a inculpés d'abus sexuel répétés, voire de viol aggravé en réunion sur une personne mineure, qui plus est déficiente mentale. Trois nouvelles recrues sont affectées à notre caserne. On m'a chargé de trouver une idée originale de bizutage. J'ai vraiment du mal à y réfléchir. Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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