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Ma vie des autres (70)
Courts récits de 1000 signes (70). La nuit, tous les malades sont gris, et cet homme mal en point l'est un peu plus, si bien que sa loupiote clignote pour appeler du secours. J'arrive, j'entre dans sa pénombre et je m'assois près de lui. Je le soutiens, je lui tends un mouchoir. Je fais office de mère, d'épouse et de consolation. Je laisse sa tête reposer sur ma poitrine. En matière de voyage, rien ne rivalise avec le moelleux d'un sein. Dans quelques heures, au matin, il part en salle d'opération. Je le rassure, j'essuie ses larmes, je le berce, je lui caresse la tête. Tout ira bien. Je lui glisse dans la bouche un Lexomil pour le calmer. Il va s'endormir. Heureusement, la nuit, on n'est pas soumis aux cadences infernales de la journée et à la rentabilité. Je peux m'occuper des patients humainement et j'en profite. Il me sourit. C'est ce qu'il peut faire de mieux pour me remercier d'avoir chassé ses mauvaises pensées. Je l'aide à se recoucher. Je le borde. Je l'embrasse sur le front. J'entends l'infirmière de garde dans le couloir. Elle ne se doute pas que je suis son auxiliaire. Je me cache sous le lit médicalisé. Je reste à demeure dans le service. Je ne me suis jamais fait pincer.
Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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Par La Rédaction
Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
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