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Ma vie des autres (82)
Courts récits de 1000 signes (82). Aucun scrupule, non. Je suis comme ça. Mon voisin est parti participer à une table ronde. C'est un auteur connu. Romancier, essayiste, il aime être invité dans les salons littéraires. Certaines de ses histoires ont été adaptées au cinéma, d'autres ont failli. Il paraît qu'on touche des droits, même quand le film ne se fait pas. Je suis loin de tout ça, je ne gagne pas grand-chose de mes écrits, mais bon, je me débrouille autrement. Je dédicace un livre quand il en signe cinquante. Pour m'en sortir, il me faut chercher le pognon là où il se trouve. Dans sa sacoche, par exemple. Je ne me gêne pas pour récupérer son carnet de chèques. J'arrache l'un des derniers chèques vierges. Je n'ai plus qu'à reproduire sa signature magnifiquement tracée au bas de la dédicace du poche que je lui ai pris. Je ne suis pas un mauvais faussaire, j'ai de l'entraînement depuis que je pratique ce genre de vol dans les fêtes du livre où l'on me veut bien. Il ne me reste plus qu'à faire ma sélection de bouquins sur les divers stands, puis je vais payer chez le libraire, avec mon chèque, en prétextant que c'est pour mon voisin à qui je donne un coup de main. Je fais tout de même attention de ne pas en acheter des tonnes.Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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