Courts récits de 1000 signes (86). Mes deux mouflets ont peur des chimpanzés, ils se collent à moi. Ils rient tout de même en leur envoyant des cacahuètes. Les gens devant nous m'énervent. Je voudrais les éjecter. Ils me gâchent cette visite de la Montagne des Singes. Je ne supporte pas de les voir battre ce pauvre garçon qui les accompagne, engoncé qu'il est dans des vêtements trop petits pour sa taille. Je lui donne entre seize et vingt ans. Il en a peut-être plus. Il porte un short de gamin, un tricot froissé et des vieilles baskets. Le père et la mère lui filent des coups de temps en temps, mais c'est la fille de treize ans, sa sœur je dirais, qui se charge de la plus grosse distribution de taloches. Il n'avance pas assez vite, elle cogne. Il ne s'arrête pas au bon endroit, vlan ! Il grogne ou murmure quelque chose, une gifle ou une méchante tape sur le crâne. Elle lui donne également des coups de pied. Obnubilés par les animaux en mouvement dans les arbres et sur les rochers autour du chemin, mes petits ne voient pas le martyr du jeune attardé. Heureusement. À son visage effaré autant qu'à son allure, on voit bien qu'il est mentalement déficient. Et moi qui m'insurge, je ne fais rien pour lui venir en aide. Par contre, ça oui, je défends mon cadet contre un capucin qui bondit sur lui et lui vole son paquet de cacahuètes.
Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.Jan Thirion
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Par La Rédaction