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Ma vie des autres (91)
Courts récits de 1000 signes (91). Pas touche, sale bâtard ! Je recule avec ma boîte. Cette saloperie de clébard montre les crocs. Les voisins ont laissé leur portail ouvert et leur chien se retrouve dans l'impasse. Il m'aboie tout le temps quand j'arrive en voiture. Je ne peux pas faire un pas sans l'avoir sur le dos. Même au jardin lorsque je m'approche de la haie. Là, je n'ai rien pour le menacer. Il me faudrait déposer l'urne sur le capot de la Peugeot et aller chercher un bâton. Encore faut-il que je puisse entrer chez moi. J'ai le râteau à côté du garage, ça ferait l'affaire. J'essaie de montrer que je n'ai pas peur. Elle est terrible et cocasse à la fois, cette situation, avec ma femme dans les bras. Elle aurait ri de ma mésaventure. Elle aimait rire de tout. Avec le pied, j'essaie de chasser le clebs. Il se moque autant de ma contre-offensive que des cendres de Maïté que j'amène ici avant d'aller au cimetière de Lit-et-Mixe, son village natal. Arrive le pire qui pouvait arriver. Je perds l'équilibre en posant le pied sur la partie dénivelée devant la bouche d'égout. Je me retrouve assis, l'urne déversant son sable sacré et le chien pissant dessus. Putain de cabot !Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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