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Ma vie des autres (98)
Courts récits de 1000 signes. 98 : de particulier à particulier. Les petites annonces, ça marche. Normalement, si tout se passe bien, dans quelques minutes, j'aurai vendu à bon prix une Mégane volée que j'ai récupérée pour une bouchée de pain. Une femme intéressée m'a appelé et m'a donné rendez-vous sur ce parking. Le dimanche, ici, c'est désert, il n'y a personne. Le dimanche, sur un parking similaire, je me souviens, j'ai appris à mes enfants à faire du vélo. C'était dans ma vie antérieure, avant que tout ne parte en couille, le boulot chez Darty, mon couple, avec un bonus de six mois en cabane pour une accumulation de petits délits. Mes enfants, je ne les ai pas vus depuis deux ans, mais la roue tourne. J'ai confiance au destin. Une vieille Honda arrive et s'arrête à proximité. Deux femmes en sortent, une jeune, une vieille. Je dirais la mère et la fille. Apparaît également un ado d'une quinzaine d'années qui se contente de passer de l'arrière à l'avant. Il s'installe au volant. La vieille braque sur moi un fusil à canon scié. La jeune me réclame les papiers et les clés de la Mégane, mon téléphone, ma CB et mon fric. Elle m'ordonne de baisser mon froc et de partir en courant à l'extrémité du parking. Ce que je fais, avant de me retourner et de voir les deux véhicules disparaître. De toute manière, j'avais prévu de rentrer en métro.Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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