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Ma vie des autres (99)
Courts récits de 1000 signes. 99 : une prédiction prémonitoire. Je n'y crois pas. Je ne peux pas y croire. J'ai vu mon père hier et il était vivant. Dans le journal, ils annoncent son décès. N'importe quoi, cette rubrique nécrologique ! Ils vont m'entendre, je vais me plaindre. On n'annonce pas des nouvelles fausses de ce genre. La mort, c'est trop sérieux. C'est sans doute une erreur de nom, un quiproquo. Pourtant, il s'agit bien de l'identité de mon père. Ce qui m'alarme, c'est que depuis que je suis en possession du journal, je n'arrête pas de lui téléphoner. Il ne répond pas. Il est 9 heures. Il est levé à cette heure. Il est debout aux aurores à cause de ses douleurs articulaires. Il ne se recouche pas. Il bricole avec sa collection de voitures miniatures. Il les retape, il les repeint. C'est un travail de précision qui l'oblige à se servir d'une grande loupe. Je ne peux pas quitter mon poste. Je dois attendre midi pour me rendre chez lui. Je pourrais envoyer la police pour vérifier. Je n'arrive pas à m'y résoudre, puisque je sais que c'est sans fondement. Mon père ne peut pas être mort parce que le journal l'a décidé. Les prémonitions ne se décrètent pas publiquement dans un tirage à trois cent mille exemplaires. Il n'empêche, il ne décroche toujours pas sa ligne.Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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