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Ma vie des autres (103)
Courts récits de 1000 signes. 103 : le manteau d'un prédateur. Qu'est-ce que ça veut dire le déclin des grands prédateurs bouleverse les écosystèmes, Mamie ? Je lis l'un des titres de la revue qu'elle a achetée avec mon cahier de jeux. Tais-toi, elle me répond en me tirant si fort le bras que j'en ai mal. Je ne comprends pas pourquoi elle s'énerve. Un petit monsieur est devant nous sur le chemin, entre les maisons. C'est un raccourci jusqu'à notre immeuble. Je ne connais pas ce monsieur. Elle, je ne sais pas, mais elle devient soudainement méchante avec lui en passant à côté. Elle a la voix dure qu'elle prend lorsque ça va mal. Elle n'aurait pas son petit chapeau à dentelles, elle ressemblerait au lion sur la couverture de sa revue, en plus féroce. Le monsieur s'écarte pour nous laisser passer. Ne regarde pas, m'ordonne Mamie. Je baisse les yeux, mais je vois bien que le monsieur ouvre son manteau. Il est nu dessous comme papa qui sort de la salle de bains avec une serviette autour du ventre, sauf que ce monsieur, lui, n'a pas de serviette. Mamie m'empêche de me retourner. On court presque. Mamie se parle à elle-même. Elle est encore énervée. J'hésite à l'interroger de nouveau sur le déclin des grands prédateurs et le bouleversement des écosystèmes.Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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