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Ma vie des autres (107)
Courts récits de 1000 signes. 107 : grillades et feu nourri. D'accord, on s'amuse, on parle fort, on rit, on fait un barbecue dans mon jardinet du rez-de-chaussée. Personne ne se plaint du bruit dans la résidence. Tout le monde passe la soirée dehors, il fait si beau. Mes amis savent les limites à ne pas dépasser. J'ai prévenu les autres locataires. J'en ai invité plusieurs. Mais le voisin du premier n'aime pas la fête. À 23 heures, les coups de feu qu'on entend viennent de chez lui. Quatre détonations. On croit d'abord à des pétards. Je sors de l'immeuble et je le vois sur son balcon. Il est armé d'un pistolet. Il tire encore plusieurs fois. Il ne vise personne. Comme je le connais de la fac, j'essaie de communiquer avec lui tout en restant à l'abri derrière les poubelles. Il m'injurie, comme il injurie pareillement les policiers arrivés sur place très rapidement. Ce n'est pas la première fois qu'il fait parler de lui. L'an dernier, il est resté enfermé chez lui plus d'une semaine sans donner signe de vie. Les pompiers ont dû le sortir de son appartement. Cette fois, c'est le GIPN qui débarque à minuit. On se croit dans un film d'action. Il y a des hommes en noir cagoulés partout, même sur le toit. Ils enfoncent la porte et maîtrisent rapidement mon voisin qui a perdu la boule. Ils l'emmènent. Je me dis qu'il aurait mieux fait d'accepter mon invitation et de venir manger des saucisses grillées avec nous.Mille signes. Autant de preuves de vie adressées à autrui que de caractères dans chaque fiction. Chacun à mille existences et chacun est en miettes. "Ma vie des autres" collecte ces miettes et en fait un chemin de cailloux blancs ou noirs qui mène forcément quelque part.
Jan Thirion
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